L'onagre, belle de jour comme de nuit
La primevère du soir ou evening primrose n'a rien à voir avec la primevère : elle désigne l'onagre, dont la fleur jaune est délicate et flamboyante. Ce n'est pas pour rien que ses graines attirent les volatiles de nuit : elles leur offrent une huile précieuse, dont nous pouvons nous aussi bénéficier, comme de toute la plante !
En roulant sur l’A86 en été, n’avez-vous jamais été distraits par un terre-plein jaune clair, chatoyant ? Ici poussent spontanément chaque année, entre juin et septembre, des fleurs d’onagre ; elles aiment en effet les sols pauvres, sablonneux et rocailleux, comme les bords de route, les voies ferrées, les talus, surtout lorsqu’ils sont légèrement ensoleillés. Les fleurs de cette plante bisannuelle s’ouvrent au crépuscule et se referment le matin avant midi ; elles meurent au bout de deux ans. Vous les apercevrez aussi sur les terrains vagues et les dunes, notamment sur le littoral atlantique. C’est d’ailleurs là-bas qu’enfant, pendant un séjour à Lacanau chez des amis de mes parents, je découvris la magie de cette fleur dont la tige ouverte au couteau me fut frottée sur une cicatrice au genou. En quelques jours, avec l’assistance du vent, mon bobo disparut sans tiraillement. J’appris en grandissant que tout cela s’expliquait naturellement.
De nombreuses vertus pour les femmes
La légende de cette plante, originaire d’Amérique du Nord, dit que les Amérindiens faisaient des provisions des racines d’onagre séchées et se massaient avec son huile pour apaiser leurs maux de peau. En 1619, l’onagre apparaît officiellement au jardin de Padoue, le plus ancien jardin botanique du monde, puis au XVIIIe siècle, en Angleterre grâce à des graines venues clandestinement par bateaux. La plante fut alors adoptée sous le nom de « King’s cure all » (la panacée royale qui soigne tout). Elle se répandit par la suite dans toute l’Europe avant que sa réputation intéresse les scientifiques. Dans les années 1980, l’analyse de son huile a permis d’identifier la présence majeure d’acides gras poly-insaturés de type Oméga-6 : l’acide linoléique (65 à 80 %) et gamma-linolénique (8 % à 14 %). Valérie Debray, docteure en pharmacie et directrice marketing et communication chez Fleurance Nature, de préciser : « L’huile d’onagre contribue à maintenir les tissus conjonctifs et dermiques sains, en externe comme en interne (à partir de 500 mg par jour). Elle est réputée pour participer à des processus physiologiques...
comme le maintien d’une peau équilibrée mais aussi d’un bon confort pendant les règles ». Les utilisatrices de l’huile d’onagre plébiscitent ses vertus régulatrices du système hormonal utiles pour les femmes qui souffrent du syndrome prémenstruel ou de désagréments à l’arrivée de la ménopause. Par ailleurs, associée à une alimentation équilibrée, l’huile d’onagre, apportant des acides gras essentiels, aide à la normalisation du taux de cholestérol dans le sang. En complément de traitements, elle participe au soulagement de la polyarthrite rhumatoïde et de certaines maladies inflammatoires (arthrose, eczéma…).
De la tête aux pieds, pour les rituels beauté
Hydrater et assouplir… Selon Émelie Tanghe, formatrice-conseil et aromathérapeute chez Ladrôme laboratoire, l’huile d’onagre (extra-vierge et bio) convient à tous les types de peaux, et on peut l’appliquer 2 fois par jour. Les peaux sensibles ou irritées préféreront un mélange à parts égales avec de l’huile de Nigelle (15 ml de chaque) et en option 15 gouttes d’HE de myrrhe. Le mélange se conserve trois mois dans un flacon obscur en verre et à l’abri de la lumière. Les peaux matures privilégieront l’HV de bourrache plutôt que celle de Nigelle, et pourront y ajouter 10 gouttes d’HE de rose musquée ou de géranium rosat, qui en feront un bon antirides. On peut aussi fouetter 10 ml d’HV d’onagre avec 3 cuillères à soupe de sels de bain d’Epson et 2 gouttes d’HE de sauge sclarée avant de verser l’ensemble sous le jet du bain et s’y plonger, pour une peau hydratée et un moral reboosté !
Un goût doux et herbacé
Aujourd’hui, la Chine domine le marché de l’huile d’onagre. Mais en France, quelques agriculteurs comme Daniel Rouillard dans l’Indre, se sont lancés dans une agriculture raisonnée de cette huile. Avec ses 10 hectares d’onagre, il obtient chaque année 3 à 4 tonnes de graines, ce qui représente 1 tonne d’huile par an. La plantation se fait au mois d’août et la récolte en septembre de l’année suivante, quand les fleurs périssent et que les graines du fruit sont devenues brunes. Elles sont ensuite séchées avec de gros ventilateurs, triées puis conservées en chambre froide et enfin pressées à froid à la demande. Le péché mignon de Daniel ? Vider ses fonds de cuve sur ses crudités. « C’est excellent, mais peu de gens ont la chance de déguster l’onagre en assaisonnement car elle est trop coûteuse. Pour en découvrir le goût, vous pouvez mordre dans une capsule avant de l’avaler. S’il est doux et herbacé, c’est que l’huile est de bonne qualité. S’il est piquant et âpre, vous pouvez douter de sa provenance, qui est rarement indiquée sur l’étiquette ».
Capsule croquée ! Elle me rappelle les fleurs d’onagre, que j’avais déjà dégustée sur une salade de fromage frais. J’attends maintenant l’été pour tester de nouvelles recettes : beignets d’onagre et racines en jambon au programme, pour la gourmandise plus que pour la santé. Concernant ma peau, j’en mets un petit flacon de côté, si d’aventure quelqu’un venait à s’écorcher…
Des racines à la fleur : recettes saines et gourmandes
Si l’huile d’onagre en capsule rééquilibre la peau et participe à la régulation hormonale, la plante elle-même peut aussi être dégustée sous d’autres formes.
Les racines en jambons
Lorsqu’elles sont bouillies, les racines ont un petit goût sucré, comme le panais. Certains lui trouvent même une saveur de noisettes. Mais visuellement, elles ressemblent à du jambon, d’où son appellation « le jambon du jardinier » ! Avant de les plonger dans l’eau bouillante, n’oubliez pas de les peler. Retirez-les de l’eau quand elles sont tendres. À manger avec un morceau de beurre salé et de la salade, pour la curiosité des papilles.
Des fleurs comestibles
Les pétales d’onagre sont comestibles même crus. Ils garnissent les salades, le fromage de brebis ou de chèvre, et peuvent même agrémenter certaines sauces.
Les beignets de pétales
Préparer la pâte à frire à la dernière minute, en mélangeant grossièrement 1 œuf entier, 50 gr de farine, 50 gr de maïzena, et 100 gr d’eau gazeuse bien froide. Plonger les fleurs fraîchement cueillies dans le mélange puis dans de l’huile de friture bouillante (180 °C) jusqu’à ce que les beignets gonflent et dorent. Les laisser s’égoutter sur une feuille de papier absorbant. Ils peuvent être dégustés avec du sucre glace.
Les feuilles d’onagre en infusion
Bouillies, les feuilles ressemblent à des épinards. Leur « eau » serait intéressante pour calmer les maux de gorge et les inflammations ORL, tels que le rhume, la rhino-pharyngite… Quant au goût, il a du fumet !
Attention :
- Ne jamais chauffer l’huile d’onagre ; elle se consomme crue.
- Elle est déconseillée en interne aux femmes enceintes et peut interagir avec les médicaments contre l’épilepsie.
- De légers troubles digestifs sont possibles.