Dossier
Cannabis thérapeutique, la panacée du futur ? (2/5)
Dans plusieurs pays, le cannabis thérapeutique a été légalisé. Il est prescrit pour soulager différentes maladies chroniques mais aussi des pathologies lourdes. À l'heure où la France lance le premier essai clinique autour de ce traitement, nous avons rencontré les acteurs de la filière française afin de comprendre les bénéfices que l'on peut espérer de cette plante, et la place qu'elle pourrait prendre dans l'Hexagone.
Des patients en demande
Voilà déjà de nombreuses années qu'en France des associations de patients – atteints de sclérose en plaques, de VIH, d'épilepsie, de douleurs rebelles – envisagent le recours au cannabis. Atteinte de syringomyélie (une maladie rare qui endommage la moelle épinière), Mado Gilanton est présidente de l'association de patients Apaiser S&C et représentante de l'Alliance maladies rares au sein du comité temporaire sur l'évaluation de la pertinence et de la faisabilité de la mise à disposition du cannabis thérapeutique en France (CSST). Elle est arrivée au cannabis thérapeutique par sa maladie. Ses douleurs lui donnaient l'impression de « sauter toutes les heures dans un champ d'orties » et persistaient malgré la prise de doses maximales recommandées d'opiacés, de morphiniques et d'antiépileptiques. Un jour, par défi et n'y croyant pas du tout, elle décide de « fumer un pétard ». En quinze minutes, ses douleurs étaient soulagées. Aujourd'hui, même avec un usage « soft » du cannabis thérapeutique, elle ne prend plus aucun autre médicament. Désormais, elle milite pour un cannabis thérapeutique réglementé, de qualité et encadré pour ne plus alimenter les réseaux de l'économie souterraine.
Bertrand Rambaud, président du collectif Alternative pour le cannabis à visée thérapeutique (ACT) et atteint du VIH utilise le cannabis thérapeutique depuis une vingtaine d'années car il est intolérant aux antirétroviraux. Pour lui, le cannabis...
thérapeutique est « tout simplement ce qui me permet de prendre les traitements qui me maintiennent en vie et ce qui m'a permis de dépasser ma maladie ». Perquisitionné par la police en 2014 à son domicile pour détention de cannabis, il espère que les patients comme lui auront accès, avant la prochaine décennie, à un cannabis thérapeutique de qualité, sur prescription et issu d'une filière française. Mais le « retard politique » et la « morale d'un autre siècle » lui en font parfois douter.
Vaporisateur, décoction ou tisane ?
Bien que ce soit illégal, les associations de patients français ont au fil du temps acquis une expertise pour maximiser le potentiel thérapeutique du cannabis. Voici le retour d'expérience de deux d'entre elles :
L'utilisation de plantes entières, bio si possible, est considérée comme le plus efficace. Les molécules actives (CBD et THC) étant solubles dans le gras et non dans l'eau, les tisanes sont sans effet. Une décoction de fleurs sèches chauffée dans un mélange de lait très chaud et gras est plus appropriée. Fumer le cannabis est déconseillé car néfaste, ils recommandent d'investir dans un vaporisateur, sorte de « mini-four » en forme de cigarette électronique. Les beurres et l'usage alimentaire sont également moins indiqués car un dosage précis est compliqué.
Pour Mado Gilanton, « la principale résistance se trouve du côté des médecins qui n'ont aucune connaissance sur le système endocannabinoïde et ne voient que le côté addictif du cannabis, alors que la balance bénéfices risques est bien plus équilibrée que pour celle des opiacés ou des morphiniques ». Son modèle idéal ? Le Luxembourg où les médecins qui veulent prescrire du cannabis thérapeutique se forment et apprennent les intérêts de cette plante, et les différentes façons de l'utiliser. En tout cas, les patients se montrent positifs quant à l'expérimentation du cannabis thérapeutique qui vient de commencer mais regrettent toutefois que « 90 % des patients concernés soient oubliés ».
Vu du Québec
Éviter les insomnies
Le cannabis thérapeutique est légal au Canada depuis 2001, sur prescription médicale ; le cannabis récréatif et l'autorisation de la culture à des fins personnelles le sont depuis 2018. De nombreux patients demandent conseil aux herboristes-thérapeutes (non autorisés à le prescrire) puis se procurent les produits nécessaires via les circuits de vente du cannabis récréatif. Retrouvez ses conseils tout au long de ce dossier.
Par Caroline Gagnon, herboriste-thérapeute au Québec. Créatrice de l'école d'herboristerie en ligne FloraMedicina, elle détaille dans ce dossier les différentes indications du cannabis à usage médical.
En cas de troubles du sommeil ou de l'endormissement, le cannabis thérapeutique permet une approche de courte durée qui évite l'accoutumance ou la dépendance. Son effet sédatif facilite le sommeil, en particulier si l'insomnie est causée par la douleur. Nous privilégions la variété Cannabis indica car elle contient autant de CBD que de THC. Le cannabis utilisé sur la longue durée perturbe la phase de sommeil paradoxal. Certains utilisateurs expliquent qu'ils ne rêvent plus ; cet inconvénient n'est pas négligeable.