Dossier
Cannabis thérapeutique, la panacée du futur ? (4/5)
Dans plusieurs pays, le cannabis thérapeutique a été légalisé. Il est prescrit pour soulager différentes maladies chroniques mais aussi des pathologies lourdes. À l'heure où la France lance le premier essai clinique autour de ce traitement, nous avons rencontré les acteurs de la filière française afin de comprendre les bénéfices que l'on peut espérer de cette plante, et la place qu'elle pourrait prendre dans l'Hexagone.
Des chercheurs mobilisés
Le cannabis thérapeutique mobilise de plus en plus les chercheurs du monde entier : cent quarante essais cliniques réalisés depuis 1975 et plus de vingt mille études sur ce sujet. La France, entravée par sa vision répressive du cannabis, a pris beaucoup de retard en la matière. Mais les autorités sanitaires viennent enfin de lancer en mars une vaste expérimentation du cannabis thérapeutique sur une poignée de pathologies (neuropathies, épilepsie, sclérose en plaques, soins palliatifs, douleurs liées au traitement du cancer). Pendant au moins deux ans, plus de trois mille patients vont en bénéficier : « Pour le moment, nous dosons uniquement les concentrations de cannabidiol (CBD) et tétrahydrocannabinol (THC) sans nous préoccuper de la variété de cannabis ni des autres molécules de la plante. C'est déjà un challenge d'évaluer le bon ratio de CBD et THC et son bénéfice-risque par rapport à un malade et une pathologie spécifique », précise le professeur Nicolas Authier, président du Conseil scientifique temporaire du cannabis thérapeutique. Pour lui, les études précliniques réalisées à l'étranger, essentiellement in vitro et sur les animaux, n'ont pas apporté un niveau de preuves suffisant. Cette expérimentation humaine est décisive pour savoir si oui ou non on peut prescrire le cannabis en mode thérapeutique.
Ces données seront suivies de près par le...
professeur Olivier Blin, chef du service pharmacologie de l'Hôpital de la Timone à Marseille. À, il est le seul en France autorisé à mener un essai clinique pour tester le potentiel thérapeutique du cannabis sur une pathologie spécifique. Avec son équipe, il a déjà expérimenté sur des rats les effets des molécules de synthèse de THC et de CBD sur les signes moteurs et non moteurs (anxiété, humeur, impulsivité) de la maladie de Parkinson. Les premiers résultats sont positifs : « Lorsqu'on administre le THC et le CBD combinés sur les rats parkinsoniens, ça améliore les mouvements désordonnés, dyskinésies, induits par la maladie. Les rats retrouvent leurs fonctions motrices normales ». Prochaine étape, confirmer ces signes prometteurs sur l'humain pour vérifier « si ça n'entraîne pas de risque accru d'infarctus du myocarde, d'hallucination ou de délire, par exemple ».
Des bienfaits en oncologie : combiner recherche et production
Produire un traitement anticancéreux à base de cannabis d'ici à 2024 : c'est l'ambition affichée du laboratoire français LaFleur (lire "Des producteurs dans les startings blocks"). Il s'est spécialisé dans la recherche et le développement de médicaments à partir d'actifs du cannabis. Depuis 2018, LaFleur développe un essai sur les tumeurs de cancer du côlon et du pancréas en partenariat avec le CNRS. Les extraits végétaux de plante entière de cannabis ont montré leur efficacité selon Franck Milone fondateur de LaFleur : « Les premiers résultats sont positifs in vitro sur les cellules cancéreuses ». La phase de test sur animaux va démarrer et selon ses résultats, le traitement expérimental pourrait être administré directement sur une centaine de patients d'ici à l'an prochain.
Si cet essai clinique et l'expérimentation en cours démontrent les bénéfices du cannabis médical, le professeur Authier imagine élargir le champ des pathologies traitées « à certaines céphalées, fibromyalgies, endométrioses qui mériteraient de faire l'objet de vraies études cliniques plus poussées ». Sans en faire une panacée, les professeurs Blin et Authier aimeraient, à terme, prescrire un médicament-cannabis sur-mesure dosé en fonction du profil du patient et pour une pathologie spécifique.
Vu du Québec
Calmer les maladies inflammatoires de l'intestin
Le cannabis a des impacts très bénéfiques sur certains symptômes liés aux maladies inflammatoires de l'intestin comme Crohn ou la rectocolite hémorragique. Nos intestins et notre tube digestif possèdent des récepteurs endocannabinoïde, c'est-à-dire sensibles aux effets des substances actives présentes dans le cannabis. En interagissant avec ces récepteurs, les composants actifs ont un effet significatif sur les douleurs viscérales, l'inflammation et les diarrhées. Le cannabis thérapeutique sous forme orale aide aussi à calmer la dépression qui peut être associée à ce type de maladies chroniques.
Par Caroline Gagnon, herboriste-thérapeute au Québec. Créatrice de l'école d'herboristerie en ligne FloraMedicina, elle détaille dans ce dossier les différentes indications du cannabis à usage médical.