Cuisine et cosmétique
L'arrow-root, aux racines de la douceur
L'arrow-root désigne une poudre de racine de Maranta arundinacea, plante originaire d'Amérique centrale et des Caraïbes. Employée depuis des siècles par des peuples indigènes, cette fécule s'utilise en cuisine et en cosmétique. On lui prête aussi des pouvoirs anti-inflammatoires…
J'ai découvert l'arrow-root en Écosse. Mais quel intérêt de rapporter ce produit tropical en France, alors que l'on a ici des fécules de pomme de terre ou de maïs ? Alissia, gérante d'un magasin bio sur place, a balayé mes interrogations : « Contrairement à certaines fécules qui peuvent donner une texture granuleuse, l'arrow-root épaissit les plats de façon homogène, à des températures plus basses que d'autres fécules, ce qui la rend pratique à utiliser. C'est une fécule très pure qui a la particularité de ne pas avoir été contaminée par des sources de gluten comme le blé. » Je rapporte ma trouvaille comme un trophée de voyage avant de découvrir très vite qu'on en trouve aussi en France. Il suffisait de s'y intéresser…
Épaississant et lissant
En cuisine, l'arrow-root, ou racine de maranta, est principalement utilisée comme agent épaississant. Camille Teil, responsable marketing de La Patelière, entreprise française spécialisée en ingrédients naturels pour la pâtisserie, et de Culinat, son pendant pour la pâtisserie bio, détaille : « L'arrow-root donne aux recettes une consistance à la fois plus épaisse, plus lisse et plus onctueuse. De plus, elle n'altère ni le goût ni la couleur des plats. Naturellement sans gluten, elle peut aussi être employée en pâtisserie, en alternative à d'autres amidons moins digestes, en complément de certaines farines mais aussi à la place des œufs, ce qui convient bien aux végétariens et aux vegan. »
Je peux en témoigner : j'ai réalisé une béchamel en remplaçant la fécule de maïs par de l'arrow-root dans mes lasagnes et j'ai bluffé mes invités qui n'avaient jamais entendu parler de ce produit. Je me suis bien gardée de leur raconter que j'en avais mis dans mes chaussettes pour tester le produit comme talc végétal. Mes pieds en sont sortis tout doux, certes, mais mes chaussettes difficiles à laver ! Pour de plus heureuses expérimentations, j'ai rencontré Sandra Clavier, anciennement contrôleuse qualité cosmétique et fondatrice de « L'Atelier naturellement vôtre », fabricant de cosmétiques naturels en ligne. Elle fait entrer l'arrow-root dans la composition de ses fards à joues et à paupières, « pour son toucher et son aspect soyeux, et parce qu'il est moins allergène que la maïzena » (lire l'encadré ci-contre). De la fécule dans le maquillage !?! Rien de bien nouveau quand on sait que l'arrow-root est utilisé depuis des siècles par des tribus indigènes des Caraïbes pour ses vertus apaisantes.
Si l'arrow-root peut provenir de différents types de plantes – Tacca leontopetaloides en Polynésie, Canna indica (balisier) en Amérique latine et en Asie, Curcuma angustifolia en Inde –, ce sont les racines de Maranta arundinacea, originaire d'Amérique centrale et Amérique du Sud, qui sont les plus couramment exploitées et associées au nom arrow-root. Leur histoire est liée : l'arrow-root, « racine flèche » en anglais, tient son nom d'une de ses premières utilisations dans les Caraïbes, pour soigner les blessures causées par des flèches et soulager les piqûres d'insectes. Les rhizomes de maranta étaient nettoyés puis pelés avant d'être écrasés manuellement. La pulpe obtenue était ensuite mélangée avec de l'eau pour créer une suspension, puis tamisée pour séparer l'amidon des fibres et des impuretés. Séché au soleil et broyé, l'arrow‑root était enfin transformé en poudre, un procédé qui s'est évidemment modernisé mais qui suit les mêmes étapes aujourd'hui.
Cependant, les emplois de l'arrow‑root en désinfectant cutané se sont perdus, tandis que ses applications culinaires perdurent.
Du maquillage spécial peaux sensibles
Pour fabriquer un blush maison ou un fard à paupières, mélangez dans un bol avec une cuillère en bois 2,5 c. à café d'arrow-root avec ½ c. à café de pigments naturels de votre choix (micas). Quand la couleur est homogène, transférer dans un boîtier prévu à cet effet, préalablement désinfecté. Cette préparation se garde sans limite, du moment que vous respectez les règles d'hygiène, et elle est adaptée aux peaux des enfants ! À appliquer en faible quantité sur une peau bien sèche, pour ne pas créer de pâtés.
Un anti-inflammatoire oublié ?
C'est chez les Arawaks, tribus améridiennes, qu'on retrouve les traces des premiers usages alimentaires de l'arrow-root. Ils préparaient des soupes consistantes à base de cette fécule, mais aussi des sortes d'infusions servant à soulager les diarrhées et autres désordres intestinaux.
Les vertus anti-inflammatoires et apaisantes pour le système digestif ont aujourd'hui été confirmées par analyses in vitro et des études cliniques sont en cours. Néanmoins, il est déjà bien connu des naturopathes, comme en témoigne Caroline Lepinteur, auteure de Mon cahier anti-inflammatoire (Solar, 2024) : « J'ai rencontré ce produit lorsque je cherchais moi-même des solutions naturelles pour soulager ma spondylarthrite ankylosante, et je l'ai vite intégré à un régime anti-inflammatoire.
Aujourd'hui, je le recommande facilement aux personnes ayant aussi un système digestif et intestinal fragile, en alternative aux farines et fécules plus agressives. En Allemagne, il est même parfois donné simplement dilué dans un peu d'eau aux bébés qui régurgitent trop. Attention cependant, l'arrow-root est riche en bons glucides mais pauvre en graisses et en protéines. Il ne nourrit pas, il apaise ! ».
J'en profite pour raconter à Caroline le désastre de l'arrow‑root dans mes chaussettes. Elle me confie qu'elle s'en sert parfois comme d'un shampoing sec, en y ajoutant un peu de cacao cru pour éviter l'apparition de traces blanches sur ses cheveux bruns. Malheureusement, je suis blonde, je passe mon tour pour cette expérience.
Recette de mère Nature // Astuces culinaires de pros
Il existe de nombreuses possibilités d'utilisation de cette fécule, aussi bien dans des recettes salées que sucrées. Voici les propositions de nos spécialistes.
- Crêpes et gaufres sans œufs, avec La Patelière
Dans votre recette habituelle de pâte à crêpes ou à gaufres, remplacer chaque œuf par 2 c. à soupe de fécule d'arrow-root et 4 c. à soupe de lait végétal ou d'eau. Vous pouvez y ajouter 1 c. à soupe d'huile végétale et une pincée de sel.
- Les patates douces croustillantes de Caroline Lepinteur
Préchauffer le four à 200 °C. Couper 2 patates douces en forme de frites et les enrober de 2 c. à soupe d'arrow-root. Ajouter 2 c. à soupe d'huile d'olive, du paprika, des herbes de Provence, saler et poivrer à votre convenance. Faire cuire au four 25 à 30 minutes en étalant les frites sans qu'elles se chevauchent sur une feuille de papier cuisson, et retourner à mi-cuisson.
- Les pains brésiliens de Caroline Lepinteur
Préchauffer le four à 180 °C. Dans un bol, mélanger 250 g d'arrow-root avec ½ c. à café de sel puis incorporer doucement un mélange chaud que vous aurez fait auparavant avec 60 ml d'eau, 60 ml d'huile de coco fondue et 200 ml de lait végétal. Ajouter ensuite 2 c. à soupe de jus de citron (ou de vinaigre de cidre), 1 c. à café de levure et de la poudre d'ail en option. Une fois la pâte homogène, former des boules de la taille d'une noix avec des mains humides et les disposer sur une plaque recouverte de papier cuisson. Faire cuire 20 à 25 minutes.
- Le lemon curd de Culinat
Presser 3 citrons bio et râper finement le zeste de deux d'entre eux. Dans une casserole, faire fondre 100 g de sucre blond de canne bio avec les zestes et le jus, couper le feu avant qu'il brunisse et réserver. Dans un grand bol à part, battre 3 œufs bio avec 1 c. à soupe rase d'arrow-root, et y incorporer le sucre citronné fondu. Reverser le tout dans la casserole et remuer jusqu'à épaississement, à feu moyen. Conserver dans un pot de confiture environ 3 jours, toujours au réfrigérateur.