L'aroma s'invite en onco-hématologie
Le personnel soignant du service hématologie du CHU de Poitiers recourt depuis près de dix ans aux vertus des huiles essentielles en olfaction afin d'agir sur le plan psychoémotionnel des patients. L'objectif ? Adoucir un long séjour hospitalier en milieu aseptisé. Décryptage.
Le service onco-hématologie du CHU de Poitiers, composé de 24 chambres, se consacre aux maladies de la moelle osseuse, du sang et du système lymphatique (leucémies, lymphomes, etc.). Infirmière au sein du service depuis plus de vingt ans, Nathalie Fouché a découvert l’aromathérapie en 2013. Deux soignantes des soins palliatifs qui, en amont, ont suivi les ateliers de la formatrice en aromathérapie clinique Alexia Blondel, exposent à l’équipe paramédicale l’intérêt des huiles essentielles (HE) en olfaction pour apaiser les émotions des patients. Angoisse, colère, découragement sont des états émotionnels bien connus lors des hospitalisations en hématologie, qui comprennent des traitements lourds avec, en prime, fatigue et problèmes de sommeil. « J’ai vu qu’on pourrait les utiliser dans notre service, notamment pour entrer en relation avec les patients », se remémore l’infirmière.
Le patient choisit sa fragrance
À l’époque, toute l’équipe est emballée. L’accord du chef de service et celui de l’institution sont rapidement obtenus. « Le choix de l’olfaction d’HE sans contre-indications même en cas de maladies graves a aidé à convaincre », se souvient Nathalie Fouché. Pour démarrer, le personnel finance l’achat des HE via l’association de l’hôpital. Un premier prix au concours infirmier Any D’avray (fabricant de perruques, ndlr) permet d’investir dans des diffuseurs. Par la suite, l’hôpital prend le relais et propose chaque année depuis 2017 deux sessions de formation en aromathérapie clinique au personnel soignant, médecins, cadres, infirmiers et aides-soignants.
Concrètement, une fois l’émotion du patient identifiée, il lui est proposé de choisir entre plusieurs fragrances d’HE. Les préparations aromatiques sont diffusées soit dans la chambre, soit via un stick inhaleur. « Le patient a la possibilité de changer d’HE au cours de son séjour afin d’éviter que la senteur ne devienne associée à l’hospitalisation. Certains patients leucémiques restent un mois et demi à l’hôpital, voire plus ! »
Trois familles d’émotions
Les HE actuellement proposées aux patients sont associées à des familles d’émotions.
- En cas de stress et d’anxiété, les HE d’épinette noire, orange douce, bergamote et mandarine verte sont proposées pour favoriser l’apaisement et la relaxation.
- Pour des problèmes d’insomnie ou de sommeil perturbé, l’orange douce, la mandarine ou la camomille noble sont utilisées pour un effet sédatif.
- En cas de colère, d’agitation ou de découragement, les infirmières misent sur la marjolaine à coquilles pour un retour à l’équilibre.
Les effets sont souvent immédiats. « La première fois qu’ils respirent les huiles essentielles, c’est un moment de plaisir car dans ce service, il y a très peu d’odeurs, tout est aseptisé, les patients n’ayant presque plus de globules blancs et donc une immunité très fragilisée. L’HE d’orange douce est notamment très appréciée car elle est enveloppante, agissant sur le sommeil, le stress et l’anxiété. »
Chaque protocole proposé est informatisé, ce qui permet de savoir quand recharger un stick par exemple, ou de poursuivre le protocole en cours même en cas de turnover dans l’équipe médicale, ce qui est fréquent. Depuis 2018, une commission d’aromathérapie vise à la mise en place de protocoles dans les autres services de l’hôpital. « C’est déjà le cas en gériatrie et en traumatologie. Les équipes médicales ont vu que les patients étaient contents », se réjouit-elle. Cadres, infirmières, médecins travaillent ensemble. Ainsi, au service hématologie, l’heure est à la réflexion sur un protocole cutané à base d’HE d’hélichryse italienne pour diminuer les hématomes des patients en manque de plaquettes. De belles perspectives aromatiques en vue !