Dans le bon sens ?
Depuis qu’un certain Pr Robert Noble de l’université Western Ontario (Canada) a reçu, par la poste, 25 feuilles de Catharanthus roseus, le destin de la pervenche de Madagascar ou tropicale a changé, pour notre plus grand bien. En effet, en 1958, la mise en évidence d’un de ses alcaloïdes, la vinblastine, propulsait cette plante arbustive aux fleurs roses joliment dessinées parmi les plus prometteurs des médicaments anticancer. Une carrière qui s’est poursuivie avec la découverte d’autres molécules puissantes, comme la vinorelbine des laboratoires Pierre Fabre.
Or, de la plante au médicament, il y a de nombreuses voies possibles. Ces derniers temps, c’est du côté de la synthèse que l’on s’aventure. Le travail de l’équipe de recherche Biomolécules et Biotechnologies végétales de l’université de Tours va en ce sens : elle a réussi à produire une autre molécule entrant dans la composition d’anticancéreux, la vendoline, non plus à partir de la pervenche même, mais d’une souche de levure. Pour produire la fameuse vindoline, les chercheurs ont dû identifier les sept gènes nécessaires à la plante ! Une belle avancée, qui permettra des gains d’argent et de temps et sécurisera l’approvisionnement de la vindoline.
Cette avancée laisse cependant une petite sensation de regret. Que va devenir la pervenche, maintenant ? Sans parler des efforts réalisés pour organiser la production, notamment au sud de Madagascar, et créer une source fiable d’approvisionnement… Heureusement, la feuille de la pervenche contient un nombre important d’alcaloïdes, et elle n’a pas encore révélé tous ses secrets. Au vu des enjeux, espérons que l’on ne perdra pas de vue que ces molécules, sorties de leur contexte, n’auraient pu être identifiées comme anticancer.
Cette question de l’utilité et de l’emploi des plantes a aussi marqué les premiers débats organisés au Sénat par la mission d’information sur l’herboristerie. Depuis début juin et jusqu’à fin juillet, les sénateurs auditionnent les professionnels de cette filière plurielle – que nous mettons en avant dans le dossier de ce numéro. Selon les mots du rapporteur Joël Labbé, l’objectif est de redonner « un cadre légal à la profession ». Et, divine surprise, les échanges sont, pour le moment, encourageants. Tout d’abord parce que les sénateurs se montrent sensibles au travail passionné fourni par ces pionniers. « Vous avez une sagesse et une sérénité qui frappe, on vous écouterait plus longtemps », a-t-on entendu sous les dorures de la salle René-Monory.
On peut aussi penser qu’ils ont pris la mesure des nombreuses chausse-trappes qui, du fait d’une réglementation inadaptée, guettent à tout moment les professionnels de l’herboristerie. Par ailleurs, les élus se révèlent également très préoccupés par la dynamique des territoires ruraux et la protection de cette ressource que sont les plantes sauvages, faisant le lien entre ces enjeux et les nouvelles attentes d’une société en quête de naturalité. Enfin, ils semblent envisager sans crispation une certaine complémentarité des rôles entre les différents acteurs de la santé que sont les médecins, les pharmaciens et les herboristes. Bref, là aussi, un tableau plutôt positif se dessine. Celui-ci sera d’autant mieux finalisé que l’on n’oubliera pas une chose : d’où que l’on se place, le vivant est complexe, et ce n’est que bien utilisé qu’il nous répare.