Pour que cessent les déchets sauvages
On pourrait la surnommer la rue aux déchets… À Ivry-sur-Seine la rue Sallenave sert régulièrement de décharge sauvage. À tel point que début septembre, elle a été débarrassée de quelque 30 tonnes de gravats, pneus, matelas infestés de punaises de lit, etc. Mais ce n’est pas un cas isolé. Cet été, au cours de mes promenades dans la nature, j’ai aussi buté à plusieurs reprises sur des tas de détritus, abandonnés là sans autre forme de procès. Ce type de pratique a même provoqué la mort d’un maire d’une commune du Var en plein mois d’août*. Pourtant notre territoire compte un réseau de déchetteries. Elles sont gérées par les communes – une partie de nos impôts locaux y est affectée – et elles ont pour mission de participer au tri. Les rebuts en bois ne sont pas entreposés au même endroit que ceux en plastique.
Alors pourquoi les décharges sauvages continuent-elles de proliférer ? L’explication, ne réside pas seulement dans l’incivilité dont peuvent faire preuve certaines personnes qui ne se sentent pas concernées par ces questions. Le cercle vertueux de la collecte ne s’enclenche pas car, depuis plusieurs années, elle est devenue payante. Et les sommes demandées sont loin d’être négligeables : en région parisienne, il faut compter de 80 à 120 euros la tonne pour le carton ou le plâtre, un peu moins cher pour les pierres et parpaings (de 15 à 30 euros la tonne), mais de l’ordre de 55 euros la tonne pour les déchets verts ! Et quand on en amène moins, c’est même plus cher ! On voudrait décourager les bonnes volontés que l’on ne s’y prendrait pas autrement. Et les particuliers aussi doivent mettre la main à la poche, ne serait-ce que pour se débarrasser des branchages de la haie qu’ils ont taillée. Un comble ! Sans parler du manque de transparence qui accompagne la monétisation des décharges : ici le prix sera déterminé en fonction du véhicule qui amène les détritus ; là, votre carte de « gentil » membre de la déchetterie vous donnera droit à un nombre limité de passages gratuits.
Cette dérive consistant à nous faire payer ce que nous avons pris la peine d’apporter – les déchetteries se trouvent à bonne distance des habitations – n’est-ce pas un peu le monde à l’envers ? En particulier, parce que ces déchets vont être ensuite recyclés et donc valorisés. Par exemple, certains déchets verts seront transformés en biogaz. Et si l’économie du recyclage peine à trouver son équilibre, ce n’est pas en freinant les dynamiques individuelles qu’on va la soutenir.
À la manière de ce qui était pratiqué avec les consignes, je pense que l’on doit au contraire encourager toutes les initiatives pour que les citoyens s’emparent de la collecte des déchets. Et pourquoi pas la rendre définitivement gratuite ? Il est temps de changer d’état d’esprit. La secrétaire d’État auprès de la ministre de la Transition écologique et solidaire a fait des promesses dans ce sens. En effet, il est tout à fait possible d’imaginer une filière de dépôt et de recyclage rentable, s’appuyant sur la multiplication des bonnes volontés plutôt que sur une logique mercantile et une organisation marchande de la récupération des détritus. La nature nous en saura gré…
* Le 5 août 2019, Jean-Mathieu Michel est décédé alors qu’il voulait empêcher le dépôt illégal de déchets sur sa commune, à Signes.