Ne plus ignorer l'interaction entre plantes et médicaments
Les conditions dans lesquelles les plantes médicinales peuvent être utilisées comme solution alternative mais surtout complémentaire à un traitement quel qu’il soit sont vivement discutées dans le monde scientifique de la pharmacognosie.
La question des interactions entre les plantes et les médicaments dits conventionnels suscite également un débat. En effet, les plantes médicinales sont composées de molécules chimiques, tout comme les médicaments et ce sont ces molécules qui sont responsables de leurs effets thérapeutiques.
Pour illustrer cette activité thérapeutique, nous utilisons l’image de la « clé-serrure ». La clé est la molécule active (naturelle ou pas) et la serrure est un récepteur biologique présent dans notre organisme. Ce système souvent protéique, va induire une action thérapeutique mais aussi le cas échéant une action non souhaitée, en d’autres termes un effet indésirable. Car dès que la clé s’emboîte dans la serrure, il y a ouverture de la porte et donc actions biologiques.
Ainsi la clé naturelle appelée taxol, interagit avec une serrure présente dans chacun de nous qui se nomme le microtubule, ce qui explique son action anticancéreuse. D’autres molécules naturelles peuvent aussi avoir une action sur ce microtubule. L’histoire nous l’a démontré puisque des molécules très toxiques extraites du colchique, de la pervenche de Madagascar, de la podophylle d’Amérique et autres végétaux mais aussi d’éponges marines ou de bactéries ont une activité sur le microtubule, bien qu’elles aient des structures chimiques très diverses. Mais puisque cette serrure peut être commune, les traitements naturels, pris par exemple pour contrecarrer les effets indésirables des chimiothérapies, peuvent agir là où on ne le souhaite pas.
S’il ne faut surtout pas décourager l’utilisation de ces thérapeutiques naturelles, nous ne pouvons pas non plus faire mine de ne pas voir le problème qui réside dans l’interaction plante-médicament. C’est dans cette optique scientifique et éthique correspondant au principe primum non nocere (en premier ne pas nuire) que la base de données Hedrine* a été mise en ligne. Elle vise à permettre aux professionnels de santé de conseiller au mieux les patients, lorsque ces derniers souhaitent prendre un produit naturel en complément d’une thérapeutique quelle qu’elle soit.
Juste un exemple : dans une étude récente parue dans European Journal of Cancer, des cliniciens parisiens (AP-HP) relatent une interaction médicamenteuse entre un complément alimentaire utilisé pour les jambes lourdes contenant de la vigne rouge, de la piloselle, de l’ananas, du ginkgo biloba entre autres et une chimiothérapie anticancéreuse pour un cancer pulmonaire. Ces chercheurs ont conclu que le traitement de cette patiente avait été inefficace le temps de la consommation concomitante du complément alimentaire. Et ces interactions peuvent apparaître dans d’autres sphères : la littérature scientifique est déjà abondante sur la façon dont le millepertuis interagit avec la pilule contraceptive ou le jus de pomelos (pamplemousse) avec les médicaments du cholestérol. Il faut aussi avoir en tête que ces interactions vont être d’autant plus complexes, que le patient suit de nombreux traitements médicamenteux.
C’est pourquoi, il nous semble aujourd’hui nécessaire, que les professionnels de santé puissent se tourner vers une source d’information fiable. Ainsi, ils pourront continuer à prescrire des plantes médicinales. N’oublions pas que c’est parce qu’elles interagissent que les plantes médicinales sont efficaces !
* Hedrine est une base de données uniquement accessible aux professionnels de santé.