Au grand air
Le Covid 19 continuant de circuler, il a fallu cet été sortir des sentiers battus pour organiser un événement. Balades commentées, débats rencontres impromptues, dégustations à l'ombre des platanes, démonstrations de savoir-faire locaux… Bon nombre de lieux n'ayant pu ouvrir du fait des contraintes sanitaires, toutes sortes d'animations, de rendez-vous ont ainsi eu lieu en extérieur. Ateliers de cuisine végétale dans une buvette, chasse au trésor dans des parcs, circuit de marche nordique doublé de pauses botaniques, nous sommes nombreux à avoir répondu présents pour pratiquer toutes sortes d'activités – physiques, culturelles, gastronomiques – au grand air. Au bon air, on l'espère. Là où le virus se propage moins que dans les lieux clos, où désormais le port du masque est obligatoire.
Ainsi, contrairement à d'autres secteurs, comme la culture encore fréquemment privée de représentations, les activités dans la nature ont pu reprendre. Toutes ces sollicitations m'ont fait repenser à cette époque où quelques pionniers mettaient en avant les bienfaits des loisirs de plein air, garants d'une vie plus saine, donnant accès à « la santé et à la joie ». Ces idées remontent à la fin du XIXe siècle lorsqu'un livre, intitulé Jeux et exercices de plein air publié en 1887, fait la promotion des activités physiques et sportives en extérieur. Dans les années 1930, on y associe les notions de santé et de loisirs. Et le Conseil national de la résistance publie en 1946 un rapport précisant que « les occupations de plein air (promenade, baignade, canotage, pêche à la ligne […] participent au même titre que les activités de plein air d'une réaction saine contre la sédentarité ». L'idée représente un axe politique fort impliquant plusieurs ministères et vise à proposer aux jeunes des activités outdoor. Sous l'impulsion de l'explorateur polaire Paul-Emile Victor une brochure intitulée « De l'air… pour vivre » conclut en 1964 à la nécessité d'une politique ambitieuse touchant le sport, le tourisme, la culture et l'aménagement du territoire. On distinguera par la suite, le « plein air immédiat », pratiqué sur le lieu de vie habituel, du « plein air lointain », celui des vacances. Des brevets d'initiateur, mais aussi d'instructeur de plein air, voient le jour.
L'école de plein air de Suresnes, qui fut inaugurée en 1936, en est aussi un exemple passionnant. S'inscrivant dans le courant hygiéniste, elle avait pour but de lutter contre la tuberculose et le rachitisme touchant les enfants tandis que l'industrialisation et l'urbanisation s'accompagnaient de conditions de vie souvent insalubres. Le postulat était d'« obtenir en toute saison un maximum d'ensoleillement des locaux abrités. Pour permettre la classe pendant les journées pluvieuses, mais chaudes, le vitrage peut s'effacer. » Les « jours doux », les enseignants faisaient classe sur une terrasse ou dans le jardin.
Aujourd'hui, l'épidémie du Covid-19 n'en finit pas. Mais on peut penser que l'appel d'air qu'elle suscite change un peu nos habitudes de sédentaires amenés à respirer un air intérieur souvent pollué. Nos poumons ont besoin d'autre chose comme nous le relatons dans le dossier de ce numéro. Notre immunité aussi. N'oublions pas que celle-ci se construit en s'exposant à des agressions extérieures. Alors espérons une rentrée buissonnière et au grand air !