La nature est la pharmacie d'origine du monde
La médecine moderne n'est apparue qu'au XIXe siècle. Mais alors, comment les êtres humains ont-ils réussi, depuis six millions d'années, à survivre aux maladies sans les médicaments ni les traitements modernes ?
Des analyses ADN ont montré que les premiers humains pouvaient avoir traité des abcès dentaires avec du peuplier, contenant l'ingrédient actif de l'aspirine, et de la moisissure Penicillium, d'où est tiré l'antibiotique pénicilline. Je suis convaincu que de nombreux autres traitements non encore découverts se trouvent juste sous notre nez, dans les produits de la nature.
Ces « produits naturels » engendrés par des organismes vivants (microbes, champignons, coraux et plantes) présentent un avantage important : de par leurs caractéristiques structurelles, ils sont déjà conçus pour fonctionner dans des créatures vivantes et leurs fonctions sont applicables d'une espèce à l'autre, ce qui les rend particulièrement intéressants comme source de découverte de nouveaux médicaments.
D'ailleurs, ces produits naturels dérivés de microbes et de plantes constituent encore aujourd'hui la plus grande ressource de la médecine moderne pour la découverte de médicaments. Actuellement, plus de la moitié des médicaments approuvés disponibles dans le monde sont directement ou indirectement tirés de produits naturels. Par exemple le Lipitor, un anticholestérol dérivé d'un composé produit par le champignon Penicillium citrinum, ou le Taxol, un anticancéreux utilisé en chimiothérapie qui provient de l'écorce de l'if du Pacifique (Taxus brevifolia). Dans l'océan, des milliers de micro-organismes sont explorés comme sources potentielles de médicaments, sans parler de tous ceux qui se trouvent sur terre.
La découverte de médicaments à base de produits naturels n'est pas sans difficultés. Depuis les années 1980, ces derniers sont tombés en disgrâce en raison de défis technologiques (méthodes de recherche coûteuses ou incapacité à analyser pleinement la complexité de ces produits) et de considérations écologiques et juridiques, comme le maintien de la biodiversité. De plus, leur rentabilité limitée a conduit les groupes pharmaceutiques et les États à réduire progressivement leurs programmes visant à découvrir des médicaments à base de produits naturels.
Mais avec l'augmentation de la résistance aux antibiotiques et l'apparition de nouvelles crises sanitaires comme celle du Covid-19, il est impératif de développer de nouveaux médicaments. L'Organisation mondiale de la santé a réaffirmé que la résistance aux antibiotiques est une urgence sanitaire mondiale qui met en péril les progrès de la médecine moderne. Si les antibiotiques actuels perdent leur efficacité, des procédures médicales courantes comme les césariennes et les traitements contre le cancer pourraient devenir incroyablement risquées, voire, pour certaines d'entre elles comme les transplantations, pratiquement impossibles.
Face à cette urgence, j'en appelle à une prise de conscience : la nature reste la pharmacie d'origine du monde. Et je pense qu'il nous faut suivre ce chemin, que nous avons trop longtemps délaissé.