La plante de l'année
Et si 2021 se révélait être l’année du cannabis ? L’année qui réussirait à dissiper son image de drogue dangereuse. L’année où l’on verrait s’éloigner les peurs associées à ses propriétés psychotropes, auxquelles ses autres noms sont associés – marijuana, beuh, haschich, Marie-Jeanne. L’année au cours de laquelle on oserait parler du potentiel thérapeutique de ces cannabinoïdes… Mais tout cela semble encore incertain, et l’avenir du chanvre se trouve à la croisée des chemins. En ce mois de juin*, on attend ainsi la décision de la Mildeca. En effet, la mission interministérielle de lutte contre les drogues et les conduites addictives travaille depuis décembre à un nouveau cadre réglementaire concernant la culture et les produits intégrant du cannabidiol (CBD). Va-t-elle adopter une position restrictive ou plus ouverte concernant le chanvre bien-être ? Bon nombre de professionnels, espèrent que cette deuxième alternative va finalement l’emporter.
Sur le terrain, en dehors de la sphère politico-sécuritaire, voilà plusieurs années que des acteurs y croient et se sont engagés avec sérieux pour qu’en France aussi on puisse bénéficier de cet or vert. Dans le dossier de ce numéro, nous avons rencontré les agriculteurs, les chercheurs mais aussi les médecins, les thérapeutes et les consommateurs-patients. Ils ont pris les devants, ont expérimenté les potentiels que comporte cette plante à de nombreux niveaux. Ces acteurs comme le montre notre enquête, ne demandent pas une libéralisation tous azimuts du cannabis ; ils attendent au contraire de l’État un cadre pragmatique que ce soit pour la production, la prescription ou la distribution. Ils se montrent aussi déterminés à mettre en place une filière, des recherches, et des traitements. Et ils interrogent l’avenir ; de quelle façon pourra-t-on pérenniser l’expérimentation du cannabis thérapeutique qui concerne actuellement 3 000 malades ? Où le CBD sera-t-il vendu ? Quels types de produits seront élaborés ?
À toutes ces questions, il n’est pas facile d’apporter des réponses dans un contexte qui se résume à une politique fondée sur la prohibition. Une politique qui, comme l’ont conclu en mai les parlementaires de la mission relative à la réglementation et à l’impact des différents usages du cannabis, et avec une belle unanimité, favorise un trafic illégal de produits toxiques – surdosés en THC, la molécule psychoactive, et frelatés. Ce qui nous confronte à un problème de santé publique touchant notamment les plus jeunes.
Par ailleurs, toutes ces années axées sur l’interdiction ont occulté les autres dimensions du cannabis. Elles nous ont empêchés de faire avancer nos connaissances sur la plante et d’établir les conditions pour en bénéficier comme dans de nombreux pays. « En pénalisant fortement l’usage, on stigmatise et on éloigne de la prévention et du soin » a ainsi résumé le docteur Jean-Michel Delile.
Il serait temps je crois que l’on sorte de cette approche binaire et que l’on ouvre un vrai débat. Cessons d’avoir une vision schizophrène de cette plante ; légalisation n’est pas synonyme de permissivité totale. C’est l’occasion au contraire de cerner ce que nous souhaitons pour notre société. Le cannabis peut aussi être fédérateur, porteur de développements et de valeurs positives. Pourquoi ne pas regarder du côté des espoirs qu’il suscite ?