Chasser le naturel
C’est un des thèmes récurrents de la Commission européenne. Dans toutes sortes de domaines, dont la santé mais aussi l’environnement, elle se fait fort de protéger les consommateurs. C’est ainsi qu’avec l’objectif de nous préserver des risques liés aux substances chimiques, le règlement Reach est en train d’être révisé. Parmi les quelque 25 000 substances concernées et, aussi étonnant que cela puisse paraître, on trouve les huiles essentielles. Reach est déjà connu de la filière des essences de plantes, comme les appelait le Dr Valnet. Elle s’est déjà mobilisée il y a quelques années pour défendre la spécificité de ses produits, et a dû accepter des contraintes pas évidentes. De nouveaux pictogrammes sont apparus sur les emballages. L’un d’entre eux figure un poisson mort censé représenter les risques des huiles essentielles pour les cours d’eau. Avez-vous déjà trempé les pieds dans une eau polluée au thym ou à la lavande ?
Aujourd’hui Reach est relancé, et on comprend l’inquiétude des acteurs de la filière car il est difficile de connaître les véritables objectifs de la commission. Certes, cette révision s’inscrit dans un cadre vertueux : le nouveau pacte vert et son volet chimie durable. De plus, la promesse d’une large consultation est avancée et il n’est pas question d’interdire les huiles essentielles. Mais que veulent vraiment les experts de Bruxelles ? Peut-on être sûrs que la société civile, désormais sensibilisée aux produits naturels, a fait évoluer leurs préjugés ? Par exemple, sont-ils prêts à entendre que les produits naturels ne s’accumulent pas facilement dans nos organismes ? Écouteront-ils les scientifiques qui affirment que la nature « digère » beaucoup mieux les produits biologiques que les produits chimiques synthétiques ? Ne chercheront-ils pas – car c’est l’autre objectif affiché de Reach – à favoriser la compétitivité de l’industrie chimique en Europe ? Souvenons-nous que le marché des parfums a explosé, il y a quelques années, en évinçant la quasi-totalité des notes parfumées naturelles. Une campagne souligna le risque qu’elles soient allergisantes, et bientôt on recommanda les molécules synthétiques aujourd’hui largement majoritaires.
Aussi, il faudra se tenir prêts, et se mobiliser le cas échéant, dans les mois qui viennent. Il en va non seulement de la beauté de nos paysages et de la santé économique de nombreux acteurs impliqués, mais aussi de notre possibilité d’utiliser des produits pour lesquels l’information sur leur bon usage est importante, mais pas au prix d’en chasser le naturel…