Pour une médecine plus verte
"Une mauvaise herbe n'est jamais qu'une plante mal-aimée", a écrit Ella W. Wilcox il y a plus d'un siècle. Ce constat s'applique aussi à la médecine des plantes. Incongrue pour une bonne partie du corps médical, qui au mieux la cantonne aux soins de confort quand il ne la dénigre pas, mal connue du grand public, qui la confond avec l'herboristerie, la phytothérapie médicale est-elle un oxymore ? Pour l'avoir pratiquée assidûment durant toute ma carrière, je peux témoigner de la parfaite compatibilité des extraits végétaux standardisés et titrés avec les exigences thérapeutiques de la médecine moderne. Pour autant, il a fallu se battre (et cela n'est pas fini !) pour terrasser ignorance et idées reçues, préjugés et jugements à l'emporte-pièce. Scientifique, cette discipline thérapeutique l'est assurément : des milliers de publications validées en attestent. Adaptée au traitement de nombreux troubles fonctionnels et à un grand nombre de maladies courantes ? Certainement ! Enseignée en faculté, pratiquée par des professionnels de la santé diplômés d'État, elle s'intègre dans une démarche clinique qui prend en compte le terrain autant que le symptôme. Faisant davantage appel à l'intelligence humaine qu'à des algorithmes de décision trop souvent dignes de ceux des machines à café, l'utilisation des plantes médicalisées donne accès à une thérapeutique alternative ou complémentaire efficace. La richesse moléculaire extraite des végétaux est parfaite pour embrasser la complexité de l'être humain dans son fonctionnement normal ou pathologique, ainsi que dans ses interactions avec son environnement.
C'est particulièrement vrai dans l'exemple de la fatigue, ce mal du siècle qui se décline de plus en plus sur le mode chronique. Pour y faire face, le ginseng et la rhodiole, plantes adaptogènes régulant le cortisol, l'hormone du stress, cohabitent avec celles d'action psychique, comme le safran ou le millepertuis, tandis que la réglisse et le curcuma s'occupent du deuxième cerveau qu'est l'intestin, tout en gérant l'inflammation, et que l'échinacée et l'astragale s'occupent de soutenir l'immunité. Pour que cette alchimie moderne fonctionne, toute une logistique est nécessaire afin de répondre à un cahier des charges exigeant, le seul à même de garantir des résultats cliniques reproductibles. Que de progrès accomplis depuis quarante ans ! Répondant à la demande et aux besoins du grand public, les médicaments de plantes préservent la santé et traitent de nombreuses maladies. Que cela soit dit !
Encore faut-il que les médecins ne soient pas cantonnés à faire de la santé publique, comme leur formation hospitalière et les directives gouvernementales les poussent à le faire. Si l'on veut faire de la phytothérapie médicale, en plus de l'omniprésente allopathie, la fin justifie les moyens : pour que les soignants puissent utiliser la pharmacopée végétale de façon personnalisée, en se donnant le temps de l'écoute et de l'analyse tout en étant rémunérés dignement, toute une filière de formation et d'assurance médecine naturelle doit se développer. Verdir la médecine, quelle bonne idée !
La phyto, ma médecine au naturel, Éric Lorrain, éditions Dunod.