Protégeons les ressources sauvages !
Vous vous soignez par les plantes, conscients de leurs bienfaits potentiels. Peut-être même militez-vous pour une médecine que vous désirez plus respectueuse du corps, qui utiliserait cette pharmacopée remarquable et « naturelle ». Mais vous êtes-vous demandé si les plantes médicinales n'étaient pas elles aussi mises en danger par nos comportements ? Avez-vous envisagé ce qu'elles deviendraient si sept milliards et demi d'individus se mettaient à les utiliser au quotidien ? Il n'y avait que cinquante mille humains en - 100 000, répartis sur une Terre encore intacte. Se soigner en ramassant des plantes était alors une évidence et une nécessité. Une centaine de milliers d'années plus tard, au XXIe siècle, nous croissons chaque année de quatre-vingt-dix millions de personnes et serons, à ce rythme, dix milliards en 2050. De ce fait, les espaces naturels sont en constante régression. Pourtant, un nombre croissant d'entre nous souhaiteraient revenir à ce rapport ancestral au soin.
Quel est l'avenir des plantes dans ce contexte de croissance sans limites qui caractérise notre modèle économique, en décalage avec la décroissance rapide de la nature qui nous héberge, nous nourrit et nous soigne ? Quelques chiffres, simples mais implacables, permettent de répondre de façon globale : plus de 60 000 espèces de plantes à fleurs sont actuellement à usage médicinal dans le monde, dont 28 000 sont bien documentées, et 15 000 sont menacées d'extinction à plus ou moins long terme. 60 à 90 % des plantes aromatiques et médicinales (PAM) sur le marché sont d'origine sauvage, dont 20 % sont déjà mises en danger par l'augmentation de la population et celle du marché mondialisé. Sachant que la demande en ressources sauvages augmente de 8 à 15 % par an, il est facile de comprendre que la vitesse de disparition des plantes est cent à mille fois plus rapide qu'elle ne le serait de façon naturelle.
Même en 2021, à l'heure où il ne fait plus de doute que nous, êtres humains, ruinons systématiquement les écosystèmes en les exploitant de manière éhontée, l'univers de la phytothérapie peine à prendre la mesure des dégâts qu'elle encourage involontairement. Des signes de prise de conscience commencent toutefois à se faire jour dans le public, chez les thérapeutes et au sein de certaines entreprises, afin d'aller vers des pratiques vertueuses.
Car des solutions existent et un autre rêve est possible. Il faut admettre que le problème est global et qu'il affecte le monde végétal pour les mêmes raisons que la biodiversité animale ou l'alimentation. Des solutions simples pour se soigner de façon efficace existent. Il convient d'abord de se rappeler les préalables indispensables à la santé, trop souvent oubliés et impliquant largement le monde végétal, qui doit redevenir la base de notre alimentation. Il est aussi possible d'encourager des pratiques de production qui respectent à la fois l'humain et la plante elle-même, par des labels et le développement de pratiques vertueuses de cueillette et de culture. Cela assurera à la fois une meilleure qualité de produit et de soin et l'avenir d'une pharmacopée naturelle efficace, pour que la phytothérapie soit une pratique durable. Alors thérapeutes, formateurs, producteurs, acheteurs, à vous de jouer et d'intégrer cette question à vos futures pratiques !