Quelles preuves ?
Une petite musique pas très agréable se fait entendre à nouveau et se répand ces temps-ci sur les ondes, les écrans, les réseaux… Un vieux refrain aux accents stigmatisants qui ressasse la dangerosité, les dérives, le manque de fiabilité des thérapies alternatives. On entendit beaucoup cette rengaine au début des années 2000 : la critique allait bon train dès lors que l’on n’avait pas été adoubé par l’evidence-based medicine (EBM). S’appuyant sur l’étude clinique randomisée, la médecine par les preuves imposait ses critères d’efficacité et de sécurité, y compris pour les médecines traditionnelles. Ceux qui ne s’y pliaient pas étant considérés comme des charlatans.
Pourtant, malgré la large diffusion de ce prisme scientifique, la société changea. Nous ne développerons pas ici que ce fut aussi à la suite de plusieurs scandales touchant des médicaments pourtant homologués par l’EBM… Toujours est-il qu’elle s’ouvrit à des approches plus naturelles, et que l’on se mit à nouveau à s’intéresser aux propriétés des plantes, aux bénéfices d’une alimentation saine ou d’une bonne hygiène de vie.
Alors le retour aujourd’hui de ce discours anti médecines alternatives – auxquelles on fait pourtant de plus en plus appel comme médecine complémentaire – a de quoi nous surprendre. D’autant plus que le ton employé est devenu tellement caricatural et outrancier que l’on se croirait revenu vingt ans en arrière ou pris à partie dans une discussion de café du commerce. Avec un argument qui tourne en boucle : ces « produits », notamment ceux à base de plantes, ne reposent pas sur la science. Et pourquoi ? Parce que ce ne sont pas des médicaments. CQFD…
Bien sûr, il ne s’agit pas de fermer les yeux sur le manque de sérieux ou d’éthique qui peut exister dans ce secteur. Mais quelle discipline peut se vanter que tous ses professionnels sont irréprochables ? Et c’est ici qu’insidieusement s’opère la bascule : de la divulgation d’informations, on passe de plus en plus à la mise en place de campagnes de dénigrement. Car ce discours intimidant modifie la façon dont les gens parlent, débattent, se comportent et il fragilise l’existence de ces thérapies.
Ceux qui attaquent ainsi la santé alternative s’appuient pourtant sur un concept récent. L’EBM, née dans les années 1980 au Canada, n’est pas exempte de critiques, qui ont d’ailleurs fait l’objet de publications tout ce qu’il y a de plus scientifique. Ainsi, de nombreux biais émaillent les fameux essais cliniques souvent sponsorisés par les laboratoires. Appliquer à un patient précis les conclusions d’une étude générale interroge également. Enfin, en quoi une absence de preuve d’efficacité prouve-t-elle l’inefficacité d’un traitement ? Aussi, ne nous laissons pas influencer par les positions radicales, et gardons-nous d’établir des normes de bien-pensance.