Lobby sans probité
Dans le film Goliath, sorti en 2022, on assiste aux manœuvres d’un lobbyiste pro-pesticides qui manipule parlementaires et ministres… Dans la réalité, ces officines d’influence opèrent dans une grande opacité. Mais début mai, scénario improbable, le président du Sénat a mis publiquement en demeure Phytéis, le lobby des producteurs de produits phytosanitaires. En effet, suite au signalement du sénateur Joël Labbé et de quatre associations, des investigations ont permis de conclure que l’organisation représentant 19 producteurs (dont Bayer et Syngenta) avait, en 2018, lors de ses rencontres avec une douzaine de sénateurs, donné des informations bien exagérées. À les croire, 2 700 emplois directs et 1 000 emplois indirects étaient menacés si, lors de l’examen de la loi Pacte*, les sénateurs votaient l’amendement interdisant la commercialisation en France de plusieurs pesticides (déjà interdits dans l’UE). Un chantage à l’emploi.
Pour la première fois, les méthodes malhonnêtes utilisées par l’organisation qui se dit « au service de la protection des plantes » ont été mises sur la place publique. On regrettera que le rappel sénatorial à ses obligations ne soit pas assorti de mesures plus coercitives. La transmission de fausses informations relève du pénal, soulignent certains spécialistes. Mais on peut espérer qu’il disqualifie à l’avenir les prises de position de ce lobbyste puissant qui s’emploie à ce que l’agriculture reste dépendante des pesticides, fongicides et autres produits phytosanitaires chimiques.
Pour ce faire, il trouve toujours le moyen de dénigrer ce qui ne va pas dans son sens. Ainsi du récent rapport de l’Inrae élaboré par 140 experts européens et faisant la démonstration qu’une sortie des pesticides est possible à l’horizon 2050, sans réduire fortement la production agricole. Phytéis continue aussi de minimiser les dégâts engendrés par ses produits. Même quand les données compilées par l’Anses font état d’une vaste contamination de l’eau du robinet, où quelque 89 pesticides ont été détectés, certains cancérogènes supposés, des années après leur interdiction.
À un moment du film Goliath, l’avocat s’écrie : « Notre santé est en danger, nos enfants sont en danger, certains le savent et nous mentent »…Gageons que le recadrage du Sénat, une première, soit bien compris comme le signal que tout n’est pas permis pour préserver certains intérêts… et que déontologie et probité s’imposent afin de prendre des décisions bénéfiques pour tous.
*Plan d’action pour la croissance et la transformation des entreprises