Néonicotinoïdes : les alternatives biologiques existent
Les dérogations accordées aux néonicotinoïdes retardent une fois de plus le débat autour de la recherche d’alternatives agronomiques. Pourtant les résultats des producteurs betteraviers qui ont choisi le bio sont encourageants.
Le 27 octobre, le Sénat, à la suite de l’Assemblée nationale, a donné son aval à une autorisation dérogatoire temporaire, jusqu’en 2023, des néonicotinoïdes (NNI). Certes, cette loi ne fait pas l’unanimité, et d’ailleurs 84 députés ont déposé le 10 novembre un recours devant le conseil constitutionnel, mais il y a de fortes chances pour que les producteurs de betteraves sucrières soient autorisés à utiliser à nouveau les néonicotinoïdes, ces pesticides destinés à se débarrasser du puceron vert du pêcher, vecteur de la maladie de la jaunisse.
Si cette maladie cause de lourdes pertes pour les producteurs – jusqu’à la moitié des récoltes perdues – les néonicotinoïdes ont, eux, été interdits en 2018 car ces substances perturbent le système nerveux des insectes pollinisateurs et détruisent les colonies apicoles.
Mais selon une note adressée au gouvernement par l’Institut technique de la betterave (ITB) le 22 septembre « il n’existe pas à ce jour de traitements à l’efficacité comparable aux NNI opérationnels à grande échelle ». Une affirmation que remettent en cause les associations écologistes et certains producteurs qui mettent en avant les solutions biologiques.
Une filière bio naissante
Ces dernières années, la filière betteravière bio semble pourtant se faire, timidement, une place. Alors qu’en 2018, seuls 140 hectares de betteraves sucrières étaient labellisés bio, la France en compte aujourd’hui 1 500. Le bio attire même des industriels comme les sucriers Tereos et Cristal union qui ont investi dans des cultures plus respectueuses de l’environnement. Cela reste cependant une goutte d’eau au milieu des 450 695 hectares d’exploitations betteravières du pays.
Stéphane Delmotte, betteravier à Parleux-en-Gohelle (Pas-de-Calais) s’est converti à l’agriculture biologique en 2017. Dans un rayon de 10 kilomètres autour de sa ferme, plusieurs exploitations cultivées de façon conventionnelle ont été durement frappées par la jaunisse de la betterave. Mais ses parcelles n’ont été que légèrement touchées par la maladie : seules quelques feuilles ont jauni peu avant la récolte et ses rendements restent importants malgré son passage en bio. « Cette année, j’ai récolté environ 60 tonnes de betterave à l’hectare, contre 85 tonnes pour l’agriculture conventionnelle », se réjouit-il. Ce rendement, même s’il est légèrement inférieur à ceux de ses concurrents utilisant des pesticides, suffit à rendre ses parcelles plus rentables : les betteraves bio se vendent ainsi environ quatre fois plus cher.
Un grand retard à rattraper
Selon lui, le respect de la nature explique la bonne santé de ses cultures. « J’utilise le levier agronomique et non le levier chimique. Mon professeur de physique me disait que tout est une question d’équilibre. Mon objectif, en bio, est de trouver cet équilibre pour me passer d’herbicides, fongicides et insecticides », explique cet agriculteur de formation scientifique.
Stéphane Delmotte sème un mois après les agriculteurs conventionnels. Cela permettrait, selon lui, aux prédateurs des pucerons (coccinelles, syrphes, etc.) de sortir au même moment que les pucerons, attirés par la levée des plants. Il note en outre que les pesticides tuent également ces prédateurs et sont donc contre-productifs. « Dans mes parcelles, il y a des bandes d’arbres, des bandes enherbées et des haies. Cela permet de faire obstacle aux pucerons qui portent la maladie et d’offrir un habitat à leurs prédateurs », ajoute-t-il.
L’Anses a aujourd’hui mandaté Hervé Jactel, directeur de recherche en entomologie forestière et biodiversité à l’INRAE pour évaluer l’efficacité des méthodes agronomiques. Le scientifique travaille également à la recherche de variétés de betteraves résistantes au puceron de pêcher. Des travaux très tardifs selon lui. « On a perdu vingt ans de recherches dans le domaine : l’utilisation des NNI suffisait au secteur, donc aucun fonds n’était attribué à la recherche d’autres solutions. »