Aconit, à la vie, à la mort !
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Aconit napellus, ou casque de Jupiter, est une très jolie fleur en grappes d'un bleu intense, qui pousse en altitude à la belle saison. Cette plante est tellement dangereuse que les manuels de jardinier recommandent de ne la manipuler qu'avec des gants. Toutes ses parties sont toxiques, paralysantes, mortelles. La mort est omniprésente dans tout ce qui concerne cette fleur. Une légende antique la dit issue des dents du chien Cerbère, ramené des enfers par Hercule, et on la recommandait au Moyen Âge pour éloigner les vampires et autres loups-garous…
De nos jours, il n'y a que les homéopathes qui sachent en tirer parti ailleurs que dans de magnifiques bouquets vénéneux. Sa toxicité est atténuée par les dilutions homéopathiques successives alors que son efficacité est sublimée par les dynamisations de ces dilutions. Cependant, il faut savoir utiliser à bon escient ce concentré d'informations végétales. L'imprudent qui considérerait que ces boules de sucre inoffensives peuvent être avalées sans précaution, aurait la drôle de surprise de ressentir très rapidement une sensation d'angoisse, de danger de mort, de panique lui faisant perdre son sang-froid et s'agiter sans raison comme pour fuir une fin inéluctable et terrible. Car ce sont bien dans ces situations-là qu'Aconit déploie tout son potentiel. Lorsque la terreur, incontrôlable, s'empare brutalement d'une personne qui se croyait rationnelle et à l'abri de tels débordements, et lui fait prédire avec une acuité effrayante sa mort prochaine, alors Aconit en dilution homéopathique va venir apaiser l'orage émotionnel.
Le bel aconit associe la puissance de son action avec la rapidité de son effet : beauté fatale pour qui ne prend pas la peine de la considérer, beauté salvatrice pour qui sait l'observer et la comprendre. Ambassadeur d'un monde sauvage, indompté, qui peut aider ou éliminer selon qu'on le respecte ou le méprise, le casque de Jupiter dispense la lumière ou la foudre, éclaire ou aveugle les sages ou les impudents. Jupiter se mérite, se respecte, telles les forces de la nature ou l'énergie tellurique. Les apprentis sorciers, les zététiciens de bazar, les sceptiques à la petite semaine qui pensent maîtriser la connaissance du haut de leurs certitudes académiques, feraient bien de retourner dans les sentiers écouter les fleurs et le vent, réapprendre l'humilité et l'observation.
Les cloches bleues des aconits de montagne balancées par la brise alpine viendront leur rappeler la taille et la place de l'homme dans l'univers, sa vulnérabilité et le nécessaire respect de dimensions qui nous échappent et nous ont conduits où nous sommes, à la croisée des chemins de l'anéantissement ou de l'élévation, au carrefour de la vie et de la mort.