Sauver le goût
© Anchiy
Je viens d’une culture où la cuisine occupe une place importante : discuter des goûts, des associations, des modes de cuisson fait partie du quotidien. Mais que se passerait-il si un médicament modifiait notre rapport à l’alimentation et au goût ?
L’Ozempic, un antidiabétique commercialisé depuis 2017 par Novo Nordisk, s’est fait connaître via le réseau social TikTok pour son effet coupe-faim et sa capacité à induire une perte de poids. Sa molécule, le sémaglutide, reproduit l’action du GLP-1, hormone régulant la glycémie ainsi que l’appétit et la satiété. Désormais elle est aussi disponible dans une version plus dosée, le Wegovy, prescrit en France depuis octobre 2024 pour l’obésité sévère.
La pression pour l’utiliser est forte. La Haute Autorité de santé vient de réviser son avis sur le Wegovy, ouvrant la voix à un futur remboursement alors que la sécurité sociale ne rembourse ni les séances d’activité physique adaptée ni les consultations diététiques.
Et c’est justement sur le plan diététique que le sémaglutide possède un effet notable : les utilisateurs se détournent des aliments ultra-transformés, très sucrés, gras ou salés, pour aller vers des produits frais. « Je mange de l’ananas, des concombres, du gingembre (…) j’adore la bette », témoigne dans le New York Times un « adepte », qui ne supporte plus le goût sucré d’un simple bonbon. Le médicament modifie donc ce que l’historienne de l’alimentation Amy Bentley appelle notre « palais industriel », influencé par les saveurs et textures à base d’amidon modifié, d’édulcorants, de colorants, etc. Un médicament pour sortir de l’engrenage de la malbouffe ? À première vue, cela semble positif.
Cependant, les géants de l’agroalimentaire n’ont pas tardé à réagir. Dans leurs laboratoires, ils cherchent désormais à créer des produits qui séduisent les consommateurs sous traitement GLP-1, plutôt que de les laisser choisir des produits frais non transformés. Big Food n’entend pas se laisser faire par Big Pharma !
Bien que ce phénomène ne soit pour l’instant observé qu’aux États-Unis, restons vigilants. En cette nouvelle année, prenons le temps de redécouvrir les plaisirs simples de la cuisine maison, celle qui respecte nos goûts, nos corps et notre environnement. Faisons de chaque repas un acte de plaisir, de conscience et de partage. Cultivons notre autonomie en choisissant des ingrédients naturels et en préservant ce qui fait la richesse de notre patrimoine culinaire. Meilleurs vœux pour une année pleine de saveurs authentiques et d’échanges nourrissants !