Savoirs en question
Le service ne peut plus prendre en charge momentanément de nouveaux patients. Nous vous conseillons de vous rapprocher des services de maladies infectieuses dans un hôpital proche de votre domicile […]. Nous vous conseillons également d’adresser un courrier au ministère de la Santé pour faire part des difficultés de prise en charge que vous rencontrez»…
Depuis cet été, c’est ce message que l’on entend quand on appelle le secrétariat du professeur Christian Perronne, un des médecins les plus en pointe sur la maladie de Lyme. Un simple message qui en dit long sur les diffcultés à se faire soigner que rencontrent les personnes atteintes de cette maladie en pleine recrudescence, mais non reconnue par les autorités de santé. Or les malades n’ont pas vocation à rester enfermés dans leur souffrance. L’enquête que nous avons menée pour ce numéro, et pour laquelle nous nous sommes aussi intéressés à la fibromyalgie et aux maladies inflammatoires de l’intestin, montre qu’il est possible de soulager les patients, alors que les autorités sanitaires les condamnent à l’errance thérapeutique.
Certes, ces maladies ne correspondent pas aux présupposés édictés par la médecine. Par exemple, difficile d’associer à chacun de ces maux un seul agent pathogène. À l’exception de la maladie de Crohn, détectable par des biopsies, les autres pathologies passent souvent entre les mailles des examens. La multiplicité des symptômes, qui semblent ne pas avoir de points communs entre eux, et les phénomènes de chronicité et de résistance inexpliquée nécessitent une autre approche médicale. Ce que les autorités sanitaires préfèrent nier, comme l’explique le livre «L’affaire de la maladie de Lyme»
Pour le dossier de ce numéro, nous avons rencontré des médecins qui n’ont pas eu peur de s’aventurer vers de nouveaux champs thérapeutiques. Des médecins qui se sont engagés auprès de leurs patients, acceptant de rebattre les cartes de leur savoir, devenant par la force des choses des spécialistes de ces maladies… quitte à subir les foudres de la Sécurité sociale ou de l’Ordre des médecins. Leur approche multidimensionnelle est passionnante. Dans un véritable work in progress, ils prennent en compte dans sa globalité une symptomatologie complexe qu’ils analysent au regard du terrain de chaque personne. Ils avancent avec modestie et sans dogmatisme, rappelant que de nombreuses données sont disponibles depuis longtemps: la première description de la fibromyalgie a été faite en 1976 ! Dans leurs échanges, ils trouvent de nouveaux appuis. Avec des spécialistes des molécules végétales, des traitements naturels ont été mis au point, procurant un gros avantage: la multiplicité de ces principes actifs évite que leur efficacité thérapeutique ne s’altère sur la durée. Cette démarche, malgré sa marginalité, ne cesse d’engendrer des progrès pour un contrôle vraiment durable de la maladie. Enfin un peu de réconfort pour les malades !
Ce vent d’ouverture est rassurant: il ouvre des perspectives nouvelles, celle d’une médecine habitée par la soif de se réinventer continuellement, qui n’a pas oublié, selon la formule de Jules Romain, que l’homme est «d’une complexité inépuisable et d’une diversité imprévisible»…