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Le parfum épicé du bois de Sainte-Lucie

Bois de Sainte-Lucie
Bois de Sainte-Lucie

C'est un petit cerisier que l'on rencontre bien souvent dans les haies et les lisières, généralement sans le reconnaître. Totalement inutilisé dans nos régions, il est largement apprécié dans l'Est et le Sud méditerranéens. 

Lorsque j'avais une dizaine d'années, je ne sais plus quel oncle m'avait offert… une pipe. Une petite pipe faite en un bois ­odorant aux veinures sombres qu'il me dit être taillé dans un cerisier ­particulier, le bois de Sainte-Lucie. Pourquoi m'avait-il offert cet objet dont je n'avais guère encore l'utilité ? Je ne sais, mais je le trouvai fort joli et le conservai ­précieusement pendant des années. Plus tard, quand mes connaissances en botanique ­s'affirmèrent, je découvris dans les haies champêtres, où il abonde, l'arbrisseau en question. Je ne fis pas tout de suite le rapport, m'intéressant surtout à ma nouvelle rencontre pour en grignoter, au passage, les minuscules cerises noires bien peu charnues. Leur saveur aromatique et amère ne me déplaisait pas – contrairement à la plupart des gens à qui je les faisais goûter et qui tendaient à les recracher systématiquement : « Pouah, tu es en train de nous empoisonner, là ! »

Herbier

Le bois de Sainte-Lucie (Prunus mahaleb) est un arbrisseau de 1 à 4 mètres, portant des rameaux étalés. L'écorce de ses troncs, lisse et grise, devient noirâtre avec l'âge et se crevasse en long. Ses feuilles, de taille moyenne, sont ovales, en cœur à la base et aiguës au sommet, finement dentées, d'un vert clair, glabres et luisantes. Elles sont pliées au niveau de la nervure centrale. Au sommet du pétiole, des nectaires sécrètent un liquide sucré qui attire les fourmis. Les fleurs blanches, à cinq pétales et aux nombreuses étamines, apparaissent en même temps que se développent les feuilles en avril-mai. Elles sont portées en corymbes dressés. Elles donnent des drupes de la forme et du volume d'un pois, de petites cerises d'abord rouges, puis noires, avec une chair mince de saveur amère. Ce cerisier est commun en lisière de bois dans une partie de nos régions. Il est plus rare dans l'ouest et le nord de la France. On le rencontre en Europe centrale et méridionale, en Asie...

occidentale et en Afrique du Nord. Il sert aussi de porte-greffe pour différentes variétés de cerisier (Prunus avium).

En fait, rien n'est à craindre avec la pulpe du fruit. En revanche, son amande huileuse renferme, comme celle de toutes les rosacées arbustives – à l'exception notable de l'amande douce et de celle de certains abricots – un composé particulier qui libère par hydrolyse, lorsqu'on la mâche par exemple, du benzaldéhyde à l'odeur caractéristique et de l'acide cyanhydrique. Rien que le nom, je pense, vous fait frémir si vous avez en tête le célèbre cyanure des romans policiers. C'est à peu près de cela qu'il s'agit, même si les effets ne sont pas aussi foudroyants : mangez quelques amandes amères et vous ne tomberez pas raide mort.

Mais si vous en abusez, vous vous exposerez à des troubles respiratoires, à des convulsions et à d'autres symptômes peu réjouissants dus à ce que l'oxygène ne parviendrait plus aux cellules de votre corps. La dose varie selon le poids corporel, mais les données les plus alarmistes estiment que dix amandes amères pourraient s'avérer létales pour l'homme et trois pour l'enfant – c'est probablement exagéré… On cite le cas de bambins qui moururent d'avoir consommé en une seule fois une centaine de pépins de pommes qu'ils avaient conservés pour jouer à la dînette.

Pourtant, les petites amandes du bois de Sainte-Lucie se consomment. Elles sont même emblématiques de la cuisine de l'Est méditerranéen et de l'Afrique du Nord où elles forment l'un des ingrédients les plus appréciés des pâtisseries locales. D'ailleurs, le nom de notre plante, Prunus mahaleb, plus précisément son épithète a bien des consonances orientales : il s'agit en effet du nom arabe du produit, que l'on orthographie généralement mahlep (prononcé « machlèpe », avec le « ch » guttural) dans notre alphabet. En visitant le grand bazar d'Istanbul, j'observai parmi les tas odorants d'épices moulues d'immenses piles de ces amandes beiges : de quoi faire passer de vie à trépas une bonne partie de la population locale… Ou de réjouir leurs papilles en les utilisant de façon raisonnée : c'est a priori, et fort heureusement, ce qui se fait. Je les revis sur divers marchés du Proche-Orient et d'Afrique du Nord, toujours destinées aux mêmes usages, pour préparer des gâteaux et des confiseries. En Grèce, sous le nom de mahlepi, on les utilise pour préparer le tsoureki, la brioche grecque de Pâques.

En fait, l'amande contient relativement peu d'amygdaline (le précurseur de l'acide cyanhydrique), mais surtout de la coumarine, qui contribue à son parfum. C'est également cette dernière qui donne leur arôme aux feuilles, qui servaient jadis à aromatiser le lait. Le fruit, peu charnu et amer, est comestible, mais il est meilleur cuit. On en a parfois distillé du kirsch et on en parfume des liqueurs, tels le mirinello di Torremaggiore en Italie, le Quenot en Bourgogne (macéré dans du vin rouge et de l'alcool) ou la pétafouère dans les Hautes-Alpes. Les tisanes de mahlep sont créditées en ­Turquie de vertus antidiabétiques et amaigrissantes. Grâce à leur coumarine, elles ­possèdent des vertus anti-inflammatoires, ­sédatives, ­vasodilatatrices et hypotensives.

Le bois de cet arbuste est très odorant, du fait de la coumarine qu'il contient. Son nom ­populaire provient de l'ancien monastère de Sainte-Lucie, situé sur les hauteurs de Sampigny, dans la Meuse, bâti sur le lieu où fut enterrée la sainte du même nom et où étaient fabriqués des objets votifs ­achetés par les pèlerins qui s'y ­pressaient en nombre. On l'utilisait aussi en ébénisterie pour la sculpture et pour la fabrication de tuyaux et de fourneaux de pipes, voire de manches de ­parapluie. C'est aussi un très bon combustible, utilisé autrefois par les boulangers pour chauffer leur four.

Recette sauvage - Tsoureki

Ingrédients 

• 200 ml de lait
• 1 sachet de levure de boulanger
• 125 g de beurre
• 2 cuillerées à soupe d'amandes de mahlep
• 500 g de farine
• 1 c. à café de sel
• 85 g de sucre
• 4 œufs.

1. Mettre la levure dans le lait tiède.
2. Mixez les amandes de mahlep en poudre.
3. Mélangez-les avec la farine, le sel.
4. Ajoutez-y le lait, puis le sucre, les œufs, et pétrissez une dizaine de minutes.
5. Ajoutez le beurre ramolli et pétrissez de nouveau.
6. Laissez lever à couvert pendant 1 h.
7. Formez 3 boudins de pâte, tressez-les et mettez dans un moule. Laissez lever 1 h.
8. Préchauffez le four à 180 °C et faites cuire 10 min à 180 °C, puis 15 min à 150 °C.

Plus d'informations sur le site de l'auteur : https://couplan.com/  

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