Jardin remarquable à Cordes-sur-Ciel, un petit coin de Paradis
Dans le Tarn, en contrebas du village médiéval de Cordes-sur-Ciel, le Jardin des Paradis célèbre la biodiversité de façon très libre. Au cœur de l'été, ce petit éden bio se raconte en huit enclos végétaux, tous aussi exubérants les uns que les autres, apparentant la visite à une véritable chasse au trésor.
Cet îlot de verdure a été conçu par deux architectes paysagistes Éric Ossart et Arnaud Maurières en 1998. Connus pour avoir défendu un fleurissement des villes beaucoup plus foisonnant et insolite que les traditionnels massifs, ils ont aussi privilégié dans ce jardin « une végétation généreuse qui s'adapte aux saisons et décline des mariages de couleurs, de textures et de formes sans cesse renouvelés ». Ainsi des amélanchiers embellissent les saisons jusqu'à donner des baies sucrées, riches en vitamine C tout l'été. Le canna d'ornement y trouve sa place avec ses fleurs éclatantes qui s'épanouissent jusqu'au mois d'octobre. Le cadre est posé depuis le Moyen Âge : les 3 200 mètres carrés du jardin sont encerclés par un mur de la vieille ville. Et après avoir arpenté les ruelles escarpées aux murs de grès, durement éprouvées par la peste (au XIVe, puis au XVIIe siècle), on est heureux de se retrouver dans ce lieu enchanté. Un joyeux mélange, riche en biodiversité, à voir, à sentir, à toucher et à goûter.
Patchwork végétal
Avec, en toile de fond, la bastide albigeoise fortifiée, datant du début du XIIIe siècle et ses façades aux symboles alchimistes, on déambule entre les huit enclos comme dans une succession de toiles paysagères. On passe du jardin sec et ses gros cailloux blancs au jardin des poteries cassées. Les deux architectes fondateurs avaient aussi insufflé un style oriental, en reprenant l'idée des moucharabiehs. Ces derniers forment un quadrillage pour faire passer la lumière et l'air, apportant une ventilation naturelle comme dans les patios andalous. En 2016, la pépiniériste Cécile Troux a ajouté de nombreuses variétés de plantes à fruits et à baies oubliés, une collection de grenadiers et un enclos gourmand réservé aux plantes qui se mangent. Sur ses traces, l'association Jardin sur Ciel entretient le lieu de façon complètement naturelle grâce à Charlotte et Valentin, des jardiniers spécialistes du maraîchage en culture biologique et fait vivre ce lieu en l'habillant d'art et de culture. « Le pavillon persan devrait accueillir cet été des macrophotographies de plantes, précise Charlotte. Dans son prolongement, une belle terrasse en bordure d'un bassin avec des lotus, des nymphéas, de la prêle du Japon, des iris des marais, offrira une pause ombragée. »
Une collection de grenadiers
Ces arbres fruitiers (Punica granatum), peu gourmands en eau, poussent bien dans cette région ensoleillée du Tarn. Riches en vitamine C, en potassium et en fibres, leurs fruits possèdent des composés phénoliques antioxydants, anti-inflammatoires et antiviraux. On les connaît aussi pour leurs vertus antivieillissement pour la peau et protecteurs pour le cerveau. Une douzaine de variétés s'épanouit ici : la Fleishman, qui donne un fruit rose sucré, la rustique Fina Tendral, riche en jus, le grenadier de Provence, le grenadier ornemental à fleur jaune, ou la variété Wonderful, idéale pour les jardins secs. La récolte en octobre est toujours un beau moment !
Écosystème exotique
Labellisé Jardin remarquable, ce lieu est aussi estampillé Oasis Nature, car il fait partie du réseau de l'association Humanité et Biodiversité, dont le président d'honneur est le célèbre astrophysicien Hubert Reeves, le parrain de l'Agence française pour la biodiversité, créée en 2017. Le réseau vise à multiplier ces îlots où la faune et la flore se développent naturellement, comme l'explique Charlotte : « Nous avons à cœur de diversifier toujours plus les espèces, d'aider les oiseaux à s'installer, de cultiver dans le plus grand respect, avec l'idée que la nature n'appartient à personne ».
L'enclos exotique est riche de végétaux asiatiques non invasifs : des bananiers du Japon, des palmiers de Chine, des Fatsia japonica aux grandes et belles feuilles étoilées, ou encore du curcuma en pot et du gingembre. L'écosystème inclut des bassins, dont l'oxygénation est soutenue par les plantes. De plus, le lieu est aussi un refuge de la Ligue pour la protection des oiseaux (LPO). Quinze nichoirs accueillent de nombreux oiseaux des jardins, tels les mésanges bleues, les mésanges charbonnières, les pinsons des arbres, les troglodytes mignons, les fauvettes à tête noire de passage tout l'été, les pouillots, les sittelles…
Des semences anciennes
Le jardin s'efforce de redonner leur place aux légumes anciens, notamment à de nombreuses tomates. On trouve ici les tomates Cœur De Bœuf d'origine, des Green Zebra, des Banana très allongées, des tomates de Berao ou encore la Romaine mouchetée… Toutes viennent du semencier local Graines del Païs. Ce réseau militant se porte garant de la préservation des semences anciennes, grâce à une trentaine de producteurs du sud et de l'ouest de la France, tous spécialistes de l'agroécologie et du commerce équitable. Il s'agit de graines d'origine qui n'ont pas été copiées pour devenir des hybrides (www.grainesdelpais.com).
Jardin des délices
Enfin, on découvre l'enclos gourmand. Articulé comme un triptyque autour de trois grandes terrasses bordées d'allées et de grands massifs feuillus, c'est un vrai festival du goût. Il accueille des baies antillaises et des arbustes à petits fruits, tels le cornouiller dont certaines raretés comme celui de Hongkong, le yuzu, le sorbier des oiseleurs, le feijoa, ou encore le citronnier épineux (Poncirus trifoliata). Entre les deux bassins, riches en batraciens et en carpes koï, on apprécie l'ambiance sauvage animée d'herbes hautes. Parmi les végétaux anciens, on découvre cinq variétés de tournesol, des courges maxima galeuses, des calebasses. Toute une allée est dédiée aux herbes aromatiques et médicinales, avec les herbes à curry, le délicieux et très esthétique fenouil d'ornement, des cardons choisis pour leur élégance et une dizaine de sauges dont l'ananas, la pourpre et la sauge de Jérusalem. Dans le potager disposé en carrés embaument les fleurs comestibles, le romarin, le thym des montagnes et la sarriette. Sept menthes – poivrée, verte, fraise, glaciale et menthe chocolat au goût des confiseries After Eight – rivalisent d'arômes incitant à les cuisiner, ou à faire une dernière pause à la buvette afin de prolonger ce moment enchanté.
Infos pratiques
Comment y aller. Cordes-sur-Ciel est situé entre Gaillac et Albi, à près de 90 km de Toulouse.
En train, jusqu'à la gare de Cordes-Vindrac (à 5 km).
Horaires. Les horaires d'ouverture risquent d'être modifiées selon la situation sanitaire. Se renseigner sur le site jardindesparadis.jimdo.com
Se loger. Chambres d'hôtes Le secret du chat, à Cordes-sur-Ciel, à partir de 120 euros la nuit pour 2, tél. : 06 95 48 18 10. www.lesecretduchat.fr