Le marais de Tasdon à La Rochelle : Du vert et du bleu au cœur de la « ville blanche »
À deux kilomètres du centre rochelais, ce marais d'une centaine d'hectares vient d'être « renaturé » pour le bonheur des oiseaux, des plantes maritimes mais aussi de toutes celles et ceux qui se soucient de l'environnement. Un projet de zone humide qui devrait également permettre de compenser les émissions de carbone de la ville.
Au départ du Vieux Port, dix minutes de vélo suffisent pour passer d’un environnement urbain minéral à un écosystème foisonnant, mi-végétal, mi-aquatique : le marais de Tasdon. Ce nouvel espace vert, où serpentent plus de 15 kilomètres de sentiers, n’offre pas seulement aux riverains la possibilité d’une reconnexion à la nature. Il ne se contente pas de relier, via des chemins cyclables, plusieurs quartiers de La Rochelle ainsi que la commune voisine d’Aytré. Il permet aux visiteurs de la « ville blanche » de découvrir l’histoire d’un marais côtier longtemps voué à la production de sel. Ses étendues d’eaux, ses prairies et ses bois cachent en effet un riche passé. En bonus, le site doit permettre à la ville de lutter contre les changements climatiques.
Reconnecter à l’océan
Suivez l’une des guides de l’office de tourisme de La Rochelle, qui s’est formée auprès de biologistes : « D’importants travaux ont été réalisés en 2020, permettant notamment au lit de la Moulinette d’être recreusé et reconnecté à l’Atlantique ». Le cours d’eau qui traverse le site a en effet perdu sa physionomie de ruisseau suite à plusieurs événements, à commencer par l’abandon des marais salants. La production de sel, qui avait commencé au XIIe siècle et a fait la richesse de La Rochelle, cessa à l’entre-deux-guerres. Le marais de Tasdon fut ensuite utilisé comme pâturage. Puis un nouveau quartier rochelais y fut construit, Villeneuve-les-Salines. Résultat de ces changements : ne subsistèrent que de simples lacs et des terrains vagues, bientôt désertés par bon nombre des espèces végétales et animales. À la place, comme souvent sur les terres dénaturées et délaissées, une végétation invasive s’installa, représentée par des espèces telles que des pyracanthas et des cotonéasters.
En 2020, plus de 63 000 plantes aquatiques et 1 200 arbres furent installés pour faciliter la reconquête de végétaux typiques des marais côtiers atlantiques. Le marais de Tasdon s’inscrit donc dans un projet de « renaturation », terme qui désigne des opérations d’aménagement et de sensibilisation des usagers visant à restaurer le bon état écologique d’un site. « Plus de 330 espèces de plantes sont désormais présentes », chiffre la guide. On rencontre dans les boisements l’érable champêtre, le frêne, l’orme commun et le chêne vert. Des prairies riches en biodiversité abritent fenouil, scabieuse, marguerite, plantain et sauge des prés : ces plantes ne sont fauchées que tardivement afin que leurs fleurs nourrissent les insectes butineurs et qu’elles puissent se ressemer naturellement. En bordure des chemins se plaisent le prunellier, la cardère, la moutarde ou encore le maceron. Les zones d’eau douce ont été conquises par les iris, roseaux et tamaris, tandis que les eaux salines ont permis le développement de la salicorne, de l’obione et de la bette maritime.
Tout se transforme
De nombreuses espèces d’oiseaux ont fait leur retour : hérons, aigrettes et autres limicoles, qui vivent et se nourrissent dans les vasières. Situé entre les marais de Rochefort, le marais Poitevin et plusieurs réserves naturelles, le marais de Tasdon fait office de nouvelle terre d’accueil pour les migrateurs. « Cent cinquante espèces d’oiseaux ont d’ores et déjà été répertoriées », précise la guide, montrant du doigt une sorte de gros canard à tête noire et bec rouge : le tadorne de Belon. C’est l’un des rares oiseaux à constituer des crèches, c’est-à-dire que les jeunes sont regroupés et confiés à la surveillance d’adultes qui peuvent être ou non leurs géniteurs. La présence de ce volatile donne aux visiteurs une forte sensation de naturalité. Le « fond d’écran » constitué des immeubles de Villeneuve-les-Salines ne perturbe en rien leur expérience d’immersion.
Ce grand chantier a coûté plus de 5 millions d’euros aux collectivités locales, dont la Région. Il a permis de rétrécir le lit d’un cours d’eau, de créer neuf ouvrages hydrauliques de circulation des eaux, d’installer plusieurs kilomètres de chemins et passerelles et de restaurer des berges ! Ces dernières ont été érigées en récupérant un remblai datant des années 1970 lors de la construction de Villeneuve-les-Salines. Rien ne se perd, tout se transforme ! Un adage qui vaut aussi pour la dynamique écologique dans une agglomération où de récentes mesures réalisées par l’Observatoire régional de surveillance font état de niveaux record de pesticides dans l’air. Ici, les organismes végétaux tels que les algues microscopiques fixent le carbone lors de leur croissance puis de leur sédimentation, piégeant au passage une partie des émissions de carbone de La Rochelle. Des scientifiques étudient d’ores et déjà ce phénomène de « puits de carbone bleu », afin de quantifier son efficacité. Projet phare de « La Rochelle Territoire Zéro Carbone », le marais de Tasdon inspirera peut-être d’autres collectivités.Adeline Gadenne
1. Le maceron (Smyrnium olusatrum)
Recherchée pour ses graines, cette plante est une bonne alternative au poivre. On la trouve à la table de plusieurs restaurants rochelais, grâce à une production locale de grains de maceron torréfiés. Ces précieuses semences se cueillent en été, mais les feuilles et les racines sont récoltées en hiver. Le maceron était un légume très courant des régions côtières, avant d’être supplanté par le céleri.
2. La bette maritime (Beta vulgaris subsp. maritima)
Cette plante de bord de mer est bien adaptée au littoral : sa graine est munie d’une sorte de flotteur. La bette maritime est l’ancêtre de toutes nos betteraves cultivées. Préférez les jeunes pousses, qui sont plus tendres. Les vertus émollientes des feuilles fraîches permettent de réaliser des cataplasmes qui font mûrir les abcès.
Infos pratiques
Comment y aller : Le marais de Tasdon se trouve à moins de 500 m de la gare SNCF de La Rochelle (4 heures 30 depuis Paris) et d’une station de vélo. Depuis le Vieux Port : remontez le quai Maubec, passez le pont de la voie ferrée jusqu’au Parc des expositions et traversez pour rejoindre le sentier cyclable et piéton en direction de Villeneuve-les-Salines.
Tarifs : L’entrée est gratuite pour une visite libre. Visite guidée proposée par l’office de tourisme de La Rochelle : 10 e adulte, 8 e enfant.
Office de tourisme : 2, quai Georges-Simenon, Le Gabut, 17000 La Rochelle
Se loger : Les ÉcoloGîtes de La Rochelle, à partir de 55 e la nuit pour 2 personnes. 66, rue des Frênes, 17000 La Rochelle. Lesecologitesdelarochelle.fr Contact : lucille@lesecologitesdelarochelle.fr