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Santé et microbiotes, question d'équilibre ! (2/5)
Il n'existe pas un, mais plusieurs microbiotes au sein de notre organisme : cutané, intestinal, bucal ou encore vaginal. Tous ces écosystèmes, facilement fragilisés, sont interdépendants et contribuent au maintien de notre santé. Suivez nos conseils en micronutrition, phyto et aromathérapie pour maintenir vos flores microbiennes saines sur la durée.
Prendre soin de mon microbiote intestinal
Avec la pléthore d’ouvrages et d’études scientifiques qui lui sont consacrés chaque année, on peut dire que le microbiote intestinal est aujourd’hui au centre de toutes les attentions de la recherche médicale. Logé tout au long du tube digestif, il est constitué de virus, parasites, levures, mais surtout de bactéries (100 000 milliards, soit dix fois plus que le nombre de cellules de notre corps) !
Grâce à la métagénomique qui « photographie » la composition du microbiote, la recherche médicale dénombre aujourd’hui plus de mille espèces de bactéries différentes dont les principales se nomment firmicutes (incluant notamment les genres Ruminococcus, Clostridium et Lactobacillus) et les Bacteroidetes (Bacteroides, Prevotella et Xylanibacter). « Bien que certaines espèces “fondatrices” comme Faecalibacterium prausnitzii ou Akkermansia muciniphila soient présentes chez la majorité d’entre nous, chacun possède une identité microbiotique aussi unique que nos empreintes digitales », explique Marion Kaplan, naturopathe et coauteure de Power biotique. Mais pourquoi ce nid à microbes fascine-t-il autant les chercheurs ? Pour la simple et bonne raison qu’il est en étroite relation avec notre santé. Certes, il participe à notre digestion, mais la science démontre son large rôle dans la maturation du système immunitaire et la lutte contre les pathogènes, le développement du système nerveux central, la régulation de l’inflammation ou encore la régulation de la santé mentale.
Que dit la science ?
Les microbes qui vivent au cœur de nos entrailles peuvent avoir un effet bien au-delà de la sphère digestive… Voici des découvertes scientifiques qui pointent l’impact du microbiote intestinal sur notre santé globale.
- Dépression : Selon les travaux de l’équipe de Gérard Eberl, un microbe nommé Lactobacillus plantarum améliore l’absorption par le microbiote de l’acide arachidonique provenant de l’alimentation, et pourrait en conséquence atténuer des symptômes dépressifs. C’est ce qu’on appelle un « psychobiotique ».
- Vaccin : D’après une récente étude de l’Inserm, le microbiote influencerait la qualité de la réponse du système immunitaire à un vaccin.
- Allergie : Plusieurs travaux de recherche sur des souris ont suggéré qu’une supplémentation en fibres prébiotiques chez la mère, pendant la grossesse ou la période d’allaitement, protège les futurs enfants d’allergies alimentaires.
- Mici : D’après des chercheurs de l’Inserm, chez certains patients atteints de Mici (maladies inflammatoires chroniques de l’intestin telles que Crohn et la rectocolite hémorragique), on constate une diminution de Faecalibacterium prausnitzii, une espèce de bactérie qui possède des effets anti-inflammatoires dans l’intestin.
- Obésité : On observe, dans le microbiote des sujets obèses, une dysbiose avec un déficit marqué en Bacteroidetes.
Cependant, à l’image des écosystèmes de notre environnement, celui qui se cache dans nos intestins demeure fragile. « Des déséquilibres entre bonnes et mauvaises bactéries peuvent facilement survenir et se traduisent par une perte de quantité et de diversité microbienne » explique Didier Chos, médecin spécialiste en micronutrition et consultant chez le laboratoire Pilèje. Ainsi, chez des patients atteints de maladie inflammatoire chronique (Mici), on détecte une surabondance d’entérobactéries (E. Coli) et une diminution de bactéries aux effets anti-inflammatoires comme Faecalibacterium prausnitzii. Ces états de dysbiose, souvent associés à une perte d’étanchéité de la paroi intestinale, sont en lien avec de nombreuses maladies : allergies, obésité, Alzheimer, diabète, dépression, etc.
Mais alors, comment savoir si votre flore est équilibrée ? Selon Éric Lorrain, médecin phytothérapeute et auteur de l’ouvrage La phyto, ma médecine au naturel (éd. Dunod) : « Il faut questionner l’intestin et le mode de vie de l’individu » pour déceler l’origine d’une éventuelle dysbiose. Fréquence des selles ? Mastication ? Pratique du sport ? Intolérances alimentaires ? Régimes ? Prise de médicaments ? Voyage récent ?... En complément de l’enquête, des analyses de selles plus ou moins poussées peuvent orienter la stratégie thérapeutique. « Un examen mycobactériologique classique (remboursé), ou un fécalogramme (non remboursé) en laboratoire spécialisé vont préciser la composition du microbiote » explique le médecin.
4 ingrédients protecteurs de la barrière intestinale
La muqueuse intestinale qui borde l’intestin exerce un effet barrière sur les éléments qui le pénètrent. Lorsqu’elle devient poreuse, cela se traduit par une alternance de diarrhée et de constipation, des maux de tête et d’autres nombreuses pathologies. Nous avons donc tout intérêt à prendre soin de cette muqueuse et de notre flore intestinale afin qu’elles puissent exercer leur rôle protecteur, notamment contre les virus. En plus du curcuma et de la réglisse, voici quatre ingrédients à utiliser pour renforcer la flore intestinale.
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L’aloe vera
Stabilise et stimule la sécrétion de mucus protecteur de notre intestin, jouant ainsi un rôle dans le traitement de la dysbiose intestinale, notamment dans les protocoles de traitement du Candida albicans
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L’argile verte
Très efficace pour calmer les douleurs dues aux excès d’acidité, crampes et ballonnements, l’argile verte agit sur la cicatrisation des muqueuses.
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Le pollen frais de ciste
Constitué de caroténoïdes reconnus pour leurs effets anti-inflammatoires et réparateurs sur les muqueuses enflammées.
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Le thé vert
Il protège nos entérocytes contre les oxydants.
Mais pas besoin d’attendre ces résultats pour adopter une hygiène de vie préventive, tirée des enseignements de chercheurs et biologistes ! Pour commencer, l’alimentation exerce une forte influence sur la richesse et la diversité de nos microbes. Et si, dans l’absolu, un régime adapté aux spécificités de votre microbiote serait l’idéal, certains conseils pourraient bien vous convenir. « Le secret d’un microbiote sain réside dans la diversité de notre apport alimentaire, explique Marion Kaplan. Nos bactéries apprécient particulièrement la nourriture contenant des fibres prébiotiques qui favorisent la production de substances tels que les acides gras à courte chaîne. À l’instar du butyrate, ils leur servent de carburant ». Où trouver des fibres prébiotique ? Mangez topinambour, artichaut, aubergine, courgette ; pommes, bananes, agrumes ; céréales complètes, sans oublier les légumineuses. Enfin, faites la part belle aux aliments fermentés comme le kéfir de fruits et la choucroute. Aromatisez le tout d’anis, de cumin et de fenouil aux vertus carminatives, vos bactéries vous remercieront pour le festin ! « Le pissenlit, la piloselle et la chicorée ont aussi un effet prébiotique et sont utiles en cas de ballonnements, spasmes et constipation » précise Éric Lorrain.
Par ailleurs, si vous vous posez la question de recourir ou non aux produits laitiers, ces derniers, selon les marques, apportent des bactéries Lactobacillus bulgaricus et Streptococcus thermophilus intéressantes contre la constipation. Selon Didier Chos : « S’il n’y a pas d’intolérance au lactose ou à la caséine, on peut en consommer sans en abuser ! ». En complément de ces mesures diététiques, on soutient la fonction intestinale avec des vitamines (A, B1, B9 et D) ainsi que des nutriments capables de réduire l’hyperperméabilité intestinale. « L’acide aminé L-glutamine, le zinc ou les polyphénols contenus dans le raisin ont un effet cicatrisant, en complément d’un probiotique adapté », conseille Didier Chos.
Soigner son microbiote avec l’alimentation en 3 étapes
Marion Kaplan propose trois phases alimentaires pour vous aider à prendre soin de votre microbiote.
- Phase détox et anti-inflammatoire : elle dure un mois. Éliminer certains aliments qui perturbent la régulation de la glycémie ou qui favorisent l’inflammation tels que les féculents riches en amidon, les légumineuses et tubercules, sucres et édulcorants, laitages, produits industriels, alcool et chocolat. Consommer fruits, légumes, huile de coco, huile d’olive, poissons, fruits de mer, volailles, aromates, oléagineux, champignons, et sucres naturels.
- Phase de réintroduction. Réintroduire certains aliments à raison d’une fois par semaine : les céréales à faible indice glycémique, les légumineuses et tubercules, le miel, les laits de brebis et de chèvre, le chocolat.
- Phase de vigilance et de stabilisation. Elle correspond à la mise en place d’une alimentation « optimale », c’est-à-dire une alimentation diversifiée et riche en fibres prébiotiques.
Les probiotiques vont éviter le développement de germes pathogènes et ont démontré leur utilité sur de nombreuses pathologies en lien avec une dysbiose. Mais là encore, la difficulté est de trouver les souches qui nous correspondent. Dans ce cas, Éric Lorrain recommande les probiotiques « à large spectre », avec un minimum de 10 milliards de bactéries par gélules. « Lactibiane Référence convient dans de nombreux tableaux cliniques car il est à la fois immunostimulant, rééquilibrant et anti-ballonnements ».
En phytothérapie, le Dr Lorrain conseille de nettoyer les intestins au printemps et/ou à l’automne avec des extraits de plantes standardisés (EPS) de mélisse antispasmodique, de fumeterre activatrice des sécrétions digestives et de pissenlit à l’effet prébiotique. « Demandez en pharmacie un mélange à parts égales des trois plantes dans un flacon de 300 ml. Sur 6 jours, prenez une cuillère à soupe du mélange 5 fois par jour ». Pour des cas de dysbiose accompagnée de diarrhées, l’extrait de noyer antiseptique, antidiarrhéique et protecteur hépatique en association avec la réglisse réparatrice de la muqueuse, et le curcuma anti-inflammatoire, sont adaptés. « Prenez 5 ml d’un mélange à parts égales de ces trois plantes en EPS pour un flacon de 150 ml, deux à trois fois par jour au moment des repas avec de l’eau, pendant 1 mois ». Dans le cas d’une dysbiose liée à une baisse d’immunité, miser sur l’EPS d’échinacée. « Cette plante renforce l’immunité locale. En cas de maladie auto-immune, on ajoute des EPS de réglisse et curcuma, en mélange à parts égales avec les mêmes posologies que pour la dysbiose avec diarrhée », recommande le Docteur Éric Lorrain.
Refaire sa flore après une antibiothérapie
Un traitement antibiotique réduit la qualité et la quantité du microbiote sur plusieurs jours et jusqu’à plusieurs mois, surtout lorsqu’il s’agit d’un traitement long et « à large spectre » capable de tuer des bactéries de familles différentes. Ainsi, les espèces initiales peuvent se rétablir, mais des antibiothérapies répétées (plus de deux par an) pourraient provoquer la disparition définitive de certaines espèces. Par exemple, l’infection à Clostridium difficile est une des conséquences des antibiothérapies répétées. Afin de favoriser le renouveau du microbiote après une antibiothérapie, le Dr Éric Lorrain, phytothérapeute, recommande la prise de probiotiques comprenant la souche Lactobacillus rhamnosus GG, en capsules dosées entre 10 à 12 milliards de souches. Il a été démontré, en effet, que cette dernière adhère et perdure dans le microbiote intestinal, chez l’adulte comme chez les petits, notamment lors de diarrhées à rotavirus.
À faire
Prendre les probiotiques pendant 10 à 12 jours à distance de deux heures avec le traitement antibiotique. Pour éviter les effets secondaires des antibiotiques, le Dr Lorrain conseille également des probiotiques avec les souches Lactobacillus helveticus candisis et Lactobacillus gasseri. Plusieurs études montrent leur intérêt dans la prévention des infections urinaires récidivantes, les candidoses ou encore les infections à Helicobacter pylori.
Sachez que les huiles essentielles riches en phénols exercent une action rééquilibrante de la flore en écrêtant les souches ayant anormalement pullulé. La cannelle de Ceylan, l’origan vulgaire, le thym à thymol ou encore le clou de girofle pénètrent dans la matrice des jeunes bactéries pour les détruire. « On peut les consommer par voie orale en capsules pour désinfecter l’intestin » explique le Dr Lorrain. Gare toutefois, à ne pas les utiliser plus de trois semaines, au risque de fragiliser votre muqueuse intestinale. Enfin, sachez qu’il n’est pas bon de négliger l’activité physique. Des études récentes ont montré que la pratique d’une activité sportive d’endurance de trente à soixante minutes trois fois par semaine induit des changements significatifs du microbiote intestinal, notamment sur les bactéries en lien avec les états de dépression et d’anxiété.
Un bourgeon spécial flore
En cas de dysbiose ou suite à un traitement antibiotique, prendre 5 à 10 gouttes (suivant les laboratoires) de macérât de noyer, matin et soir pendant 21 jours.
À faire
En gemmothérapie, le bourgeon de noyer est le favori en cas de pathologies liées aux intestins. Il apparaît comme un grand protecteur de la muqueuse intestinale, rempart contre les agents pathogènes. Il s’opposerait au déséquilibre de la flore, en exerçant une action anti-inflammatoire.
Le microbiote vieillit-il ?
Prendre de l’âge n’est pas anodin pour le microbiote. Il se trouve appauvri par les changements physiologiques, une alimentation moins variée, la prise de médicaments et l’absence d’activité physique. Les études ont indiqué que les bactéries non-dominantes – entérocoques, streptocoques mais surtout entérobactéries – augmentent chez les sujets âgés. Ceux qui résident en maison de retraite auraient un appauvrissement de leur microbiote plus marqué que ceux qui restent à domicile avec leur régime alimentaire habituel. « Il faut prendre de la chicorée au petit-déjeuner, un puissant prébiotique et, bien-sûr, des probiotiques » précise le Dr Lorrain. Une étude récente montre une corrélation négative entre le nombre de médicaments consommés et la diversité du microbiote intestinal chez les sujets âgés : inhibiteurs de la pompe à protons, antidépresseurs et antipsychotiques augmentent certaines espèces microbiennes.
- Probiotics prevent diarrhoea related to antibiotic use
- Psychobiotics: A Novel Class of Psychotropic
- Faecalibacterium prausnitzii is an anti-inflammatory commensal bacterium identified by gut microbiota analysis of Crohn disease patients
- Exercise might improve health by increasing gut bacterial diversity
- Ticinesi A, et al. Gut microbiota composition is associated with polypharmacy in elderly hospitalized patients
- Biagi E, et al. Through ageing, and beyond: gut microbiota and inflammatory status in seniors and centenarians
- Host Transcriptome and Microbiota Signatures Prior to Immunization Profile Vaccine Humoral Responsiveness