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Santé et microbiotes, question d'équilibre ! (5/5)
Il n'existe pas un, mais plusieurs microbiotes au sein de notre organisme : cutané, intestinal, bucal ou encore vaginal. Tous ces écosystèmes, facilement fragilisés, sont interdépendants et contribuent au maintien de notre santé. Suivez nos conseils en micronutrition, phyto et aromathérapie pour maintenir vos flores microbiennes saines sur la durée.
Chouchouter mon microbiote vaginal
Un milliard de micro-organismes recouvrent la muqueuse vaginale et lui permettent de se protéger des attaques de germes agressifs. Mais pourquoi l’organisme en est-il venu à se préserver ainsi ? À cause de notre capacité à faire plus souvent l’amour que les autres espèces animales. Ce qui multiplie les risques de contagion infectieuse. Ce biofilm pourrait même jouer un rôle de stimulant du désir afin de faciliter la reproduction ! Sur le plan physiologique, on constate que la production de ces bactéries est, elle-même, en symbiose avec celle des estrogènes. Et quand la production d’estrogènes s’effondre, la flore vaginale s’appauvrit. C’est ce qui survient lors de la ménopause et juste après un accouchement. D’où le risque de contracter une vaginose bactérienne à ces moments-là, ce trouble engendrant une odeur peu amène de poisson et des pertes grises. Il faudra alors quatre à six semaines à l’organisme pour reconstruire une nouvelle flore plus équilibrée et voir disparaître ces symptômes désagréables. Sauf si on aide un peu la nature avec des ovules de probiotiques qui vont aider les lactobacilles locaux à reprendre le pouvoir et participer à la création d’antibiotiques naturels, les bactériocines.
Lutter contre le stress avec le yoga yin
Parce qu’il modifie le terrain vaginal, le stress augmente le risque de développer une vaginose de 30 % On peut essayer de l’endiguer en pratiquant des postures de yoga yin. « Ce yoga relaxant permet de relâcher complètement tous les tissus conjonctifs, aussi bien les muscles, les tendons que les fascias », explique Isabelle Frenay, sophrologue et auteure du guide Quand ralentir devient vital. Elle nous livre ici la posture du papillon qui libère les tensions parfois anciennes de la zone vaginale.
- Allongez-vous, dos au sol sur un tapis épais.
- Ouvrez vos jambes et remontez-les en collant vos plantes de pied l’une contre l’autre. Vos jambes sont ouvertes comme les ailes d’un papillon. La position doit rester confortable. Remontez ou descendez légèrement les pieds en cas d’inconfort.
- Conservez cette position durant dix minutes.
Autre particularité de ce milieu acide : la nature de ses bactéries, cette flore intime étant composée pour 90 % de lactobacilles. Étrangement, ce sont ceux de la même famille que celle des yaourts, à quelques particularités près. D’ailleurs, si vous n’êtes pas intolérant aux produits laitiers, boire le petit-lait qui se trouve au-dessus des yaourts est bénéfique. Ce...
lactoserum est un antifongique et bactéricide naturel. Mais comme il est sensible l’équilibre de ce biofilm ! C’est le constat du Dr Jean-Marc Bohbot, médecin-infectiologue spécialisé dans les infections urogénitales et coauteur avec Rica Étienne du livre Prenez soin de votre microbiote vaginal. Celui-ci évoque plusieurs facteurs déstabilisants, à commencer par nos moyens de contraception et notre vie intime. Côté contraception, c’est le stérilet qui semble le plus neutre (sauf en cas de maladie sexuellement transmissible). Le préservatif, favorisant à l’inverse une plus grande diversité de micro-organismes. Quoi qu’il en soit, des partenaires multiples obligent notre milieu à s’adapter, ou le déstabilisent, le cas échéant. Notre flore se modifie aussi naturellement durant le cycle menstruel et notamment durant nos règles qui sont associées à la multiplication de staphylocoques dorés. D’où l’intérêt d’abandonner tampons et cup (coupes) menstruelles, et de laisser s’écouler le sang en changeant régulièrement de protections en tissus (culottes menstruelles, serviettes en tissus...).
Que dit la science ?
En 1892, le gynécologue allemand Albert Döderlein remarque que 90 à 95 % de la flore vaginale est composée de lactobacilles qui acidifient ce terrain. Depuis, 200 lactobacilles ont été découverts. Bien que chaque femme dispose d’une flore signature, trois types de lactobacilles peuvent dominer dans cette zone intime. D’abord les Lactobacillus crispatus que l’on retrouve chez 48 % des femmes ; en second lieu, les Lactobacillus gasseri chez 23,5 % d’entre elles, puis les Lactobacillus jensenii pour 20 % des femmes. Ces lactobacilles aident à constituer une flore saine et résistante aux infections sexuellement transmissibles. Lorsque la flore vaginale est dominée par les Lactobacillus iners, il y a plus de risque de développer des troubles vaginaux.
De l’hygiène, il en faut, mais sans excès. Trop de douches vaginales, de déodorants intimes ou de savon décapants… Et patatras !
C’est un raz de marée qui nettoie tout sur son passage et laisse place au Candida albicans, ce champignon faisant le lit d’une mycose vaginale. Se manifestant par de fortes démangeaisons et des pertes blanches aux allures de lait caillé, il ne faut pas la confondre avec le psoriasis vulvaire ou la cystite. Autre tendance hygiéniste à proscrire : l’épilation totale qui assèche la peau et les muqueuses, et supprime le rempart bien utile des poils.
Toilette intime : des limites à ne pas franchir
S’il faut se passer de la douche vaginale, il y a des gestes à privilégier ou à éviter lors de la toilette intime.
- Le pH de la vulve (entre 4,8 et 7,5) diffère de celui du vagin. La vulve n’est pas capable de s’autonetttoyer, il faudra donc recourir à un gel adapté à son pH. En effet, le lavage à l’eau est inefficace pour se débarrasser des germes présents. Une étude a montré que l’eau dont le pH est basique (8) modifie l’équilibre local jusqu’à six heures après la toilette.
- L’utilisation des protège-slips en dehors des règles est préjudiciable. Ils assèchent la vulve et freinent le déplacement des lactobacilles venus du rectum. Ce qui raréfie le réensemencement de la flore vaginale.
Quant à la prise d’antibiotiques, il est bien connu qu’elle peut aussi avoir cet effet mycose, ainsi que le tabac et le cannabis (quand on le fume) qui ralentissent la production d’estrogènes et s’attaquent à l’immunité. Là encore, la prescription d’ovules de probiotiques vaginaux s’avère salutaire.
Et quand le Candida albicans est lié à une addiction au sucre ? Il peut alors être plus difficile à déloger et entraîner des mycoses à répétition. Dans son livre Power biotique, coécrit avec Alma Rota, la naturopathe Marion Kaplan recommande de suivre une cure d’extraits de pépins de pamplemousse. En cure toujours, les tisanes de lapacho peuvent apporter une amélioration. Quant à l’aloe vera, il se révèle aussi une précieuse alliée pour harmoniser ce milieu. « Cette plante est également conseillée en médecine ayurvédique pour ses effets régénérants et parce qu’elle convient aux trois doshas : vâta, kapha et pitta (ces principes biologiques qui correspondent à notre constitution). Toutefois, si elle a un effet positif chez les personnes en excès de poids, on évitera de l’employer chez les femmes enceintes et en cas de saignement utérins », avertit Lucie João, praticienne en ayurvéda et coauteure avec Marie-France Farré du livre Équilibrer sa digestion grâce à l’ayurvéda. Elle ajoute : « On présente souvent une plante, le shatavari, comme LE grand remède régénérant des parois vaginales. C’est vrai. Mais, si cette plante apaise le milieu intime des vâta et pitta, elle n’est pas indiquée pour le type kapha et encore moins aux femmes qui ont un historique de cancer du système reproducteur dans leur famille. » Enfin, il ne suffit pas de se concentrer sur sa sphère intime. « Une alimentation riche en nutriments joue également un rôle important car le système reproducteur a de réels besoins à ce niveau », précise la thérapeute qui préconise de tendre vers une alimentation végétale, de pratiquer le jeûne intermittent, et des détox de temps en temps. « Au quotidien, pensez à entretenir le feu digestif, estime la thérapeute. Pour cela, nous devons vérifier que nous avons faim et prendre deux vrais repas en évitant les grignotages. Éliminer des selles une à deux fois quotidiennement est également souhaitable. » C’est aussi à ce prix que notre flore vaginale sera la plus performante. Ne l’oublions pas !
À lire
- Prenez soin de votre microbiote vaginal par le Dr Jean-Marc Bohbot et Rica Étienne, éd. Marabout
- Power biotique par Marion Kaplan et Alma Rota, éd. Guy Trédaniel.
- Équilibrer sa digestion grâce à l’ayurvéda par Marie-France Farré et Lucie João, éd. Eyrolles
- Quand ralentir devient vital par Isabelle Frenay, éd. First
- Pour échanger avec le Dr Berrebi : wwwdocteurwilliamberrebi.com
- American Journal of Obstetrics and Gynecology 17 Apr, 2017, The association of psychosocial stress and bacterial vaginosis in a longitudinal cohort
- International Journal of Cosmetic Science, octobre 2006, Natural skin surface pH is on average below 5, which is beneficial for its resident flora
- Proc Natl Acad Sci USA Vaginal microbiome of reproductive-age women