Dossier
La nature au cœur de notre santé (4/4)
La littérature scientifique s'enrichit chaque année de nouvelles études sur les bienfaits de la nature sur notre santé. Comment agit-elle sur nos sphères physique, psychique et sur notre bien-être ? Gestion du stress, maintien de l'équilibre mental, nourriture intellectuelle et spirituelle… Nous vous livrons des clés pour retrouver une alliance thérapeutique avec Mère nature.
Les nouveaux chemins du développement personnel
Aller à la rencontre de la nature, n’est-ce pas aussi une manière d’aller à la rencontre de soi ? De plus en plus de gens sont en quête d’un lien plus intime avec le vivant. Si nous avons tellement besoin de ce ressourcement, sans toujours en avoir conscience, c’est parce que cette connexion développe « un bien-être dit “eudémonique, c’est-à-dire la possibilité en tant que personne de réaliser son potentiel et de vivre en accord avec soi-même », synthétise la sociologue Alix Cosquer. D’après ses recherches, les expériences d’immersion dans la nature renforcent notre sentiment d’appartenance au monde et aident notre existence à trouver du sens. La science conforte ainsi en quelque sorte les bienfaits de rituels ancestraux de culte à la nature, encore en vigueur par exemple au Japon lors de la célébration du hanami, la floraison printanière des cerisiers, « un moment social partagé, célébration du renouveau et de la fragilité de l’existence », souligne la sociologue.
Pour ma santé
Humer Dame Nature
Boisés, fruités, marins, floraux, les parfums de la nature améliorent sensiblement le bien-être et l’humeur car l’olfaction est liée au système limbique, la région du cerveau impliquée dans les réponses émotionnelles. Pour vous balader par le bout du nez, suivez les conseils du naturaliste Marc Giraud :
- Après la pluie, profitez à pleines narines de l’explosion des senteurs d’humus, champignons, fleurs et respirez le parfum des feuilles froissées entre vos doigts.
- Posez-vous dans l’herbe, sur le sable ou dans les champs, fermez les yeux pour laisser agir votre odorat… Émotions et souvenirs ne sont jamais loin.
- Enivrez-vous du parfum des conifères, dont les substances dites « phytoncides » sont reconnues comme excellentes pour le système immunitaire et le moral.
Bon à savoir : Certains lieux proposent des balades olfactives : sentier aromatique au Musée international de la parfumerie de Grasse (06), visite nocturne des champs de lavande à Saint-Privat-de-Champclos (30), découverte des « parfums du Sauvage » en Haute-Loire…
Pour apprivoiser ou cultiver une connexion plus forte avec la nature, on peut déjà communiquer avec elle autrement. Au lieu de la consommer uniquement comme un objet thérapeutique, mettons-nous en mode réceptif en nous laissant traverser par les sons, les formes, les couleurs d’un paysage, qui « n’est plus regardé, mais ressenti, et ce ressenti dissout la limite entre lui...
et moi », propose la philosophe Claire Petitmengin. Une porte d’entrée pour pénétrer dans une dimension plus subtile, voire vibratoire. Ainsi l’ethnobotaniste Francis Hallé se souvient encore, cinquante ans après, de cet après-midi extraordinaire dans la forêt du Congo : « Il n’y a plus de différence entre moi et ce qui m’entoure, il n’y a plus de limites. Je comprends tout, j’admire tout. Je suis tout. Cela disparaît tout aussi soudainement que c’était arrivé, mais il en reste un inoubliable bonheur », raconte-t-il dans Les Vies heureuses du botaniste (éd. Actes Sud). Cette sensation puissante de fusion avec l’environnement, appelée « sentiment océanique », s’exprime parfois aussi en contemplant la voûte céleste ou en se laissant flotter sur l’eau. Le neuroscientifique Michel Le Van Quyen confie ainsi son plaisir de la baignade, un état modifié de conscience où le corps et les pensées se relâchent : « un moment d’harmonie parfaite entre notre moi et le monde ». Il explique que la partie du cortex cérébral liée à l’ego se met en sous-activité pendant cette phase de « sentiment océanique », selon des scanners réalisés par le psychiatre américain Judson Brewer sur des adeptes de la méditation.
L’effet miroir de la nature nous invite en effet à considérer nos vies en étant moins centrés sur notre individualité égotique. Contacter le vivant, par la méditation ou la contemplation, ouvre d’autres dimensions à l’intérieur de nous et permet souvent de retrouver davantage d’alignement en soi. Certains courants de sylvothérapie ou propositions de marche dans la nature proposent d’explorer ces espaces de développement personnel lors d’accompagnements et de coaching. Dans un registre plus vibratoire, l’énergéticienne Nathalie Frossard enseigne à se relier à l’esprit des plantes. Elle explique comment chaque plante porte une signature énergétique singulière et la transmet : « L’ortie apporte de la structure, la fougère donne de la stabilité, la menthe clarifie les idées et la parole, le chêne, c’est l’ancrage… ». Lors de ses accompagnements, on apprend à rencontrer ses plantes alliées, afin de trouver du soutien dans un moment difficile, porter un nouveau projet ou développer sa spiritualité. Dans cette approche, on cherche à se mettre au cœur du végétal pour recevoir sa vibration.
Protocole
Rencontrer ses plantes alliées
L’énergéticienne Nathalie Frossard nous invite à contacter la sagesse des plantes pour y puiser du soutien au quotidien :
- Dans un coin de nature, ressentez quel arbre, plante ou fleur vous attire… Laissez faire vos sens.
- Asseyez-vous et observez avec gratitude ce qui vous plaît, couleur, forme des feuilles ou pétales, écorce… Prenez 2 ou 3 grandes respirations pour vous mettre en état de réceptivité.
- Saluez cette plante, puis imaginez où vous installer : sur un pétale, une feuille, près des racines, sur le tronc…
- Observez votre ressenti : chaud, picotement, apaisement, ces sensations sont un cadeau de la plante. Peut-être a-t-elle aussi un message à vous offrir (image, émotion, réconfort…)
- Remerciez-la et sentez ce que vous pouvez faire pour elle : mieux la considérer, ne pas la cueillir, lui donner une plante compagne…
- Enfin, notez ce qui vous est venu, ce que la plante vous a offert.
On pourra s’exercer à cette communication végétale subtile en pleine nature, en prenant son temps en vacances, dans son jardin ou dans un square public. Une manière douce et plaisante de s’initier à l’énergie des plantes. Ces approches « spirituelles » ou vibratoires connaissent un réel engouement, preuve de notre désir d’un contact plus fusionnel avec la nature. La science elle-même commence à explorer ces dimensions subtiles, on peut s’en réjouir car notre humanité a besoin de multiplier toutes les voies possibles pour retrouver son unité avec le vivant.
Anne Le Maître, auteure et illustratrice
La vie pure
« Il y a une leçon à entendre, que l’on n’entend que dans le silence. La fleur, l’oiseau ne me doivent rien. Ils ne sont pas pour moi. Ils sont, c’est tout. C’est là leur gloire. Je me souviens du liseron dans la haie, de la ronce et de l’ortie : vie pure, surabondance et perfection. Et je n’y suis pour rien. Sans moi, ils vivent tout autant. Fleurissent et chantent et fructifient. Et meurent. C’est moi qui vis mieux du fait de leur présence. Du fait d’avoir pris le temps de les regarder. Le lien, il est pour moi. En soignant le vivant, c’est moi que je soigne. » Extrait du Jardin nu, éd. Bayard (2023).
Agnès Ledig, auteure
S’émerveiller face à la nature nourrit le cœur
« La contemplation du paysage, du vivant, des fruits et légumes qui poussent dans le jardin, c’est une façon de faire pousser des choses au fond de soi. Je relie de plus en plus la nature, le vivant avec nos émotions humaines. Avec l’expérience je me rends compte à quel point elle m’apaise. Alors que je suis une écoanxieuse, elle m’apporte de l’espoir car je constate chaque jour ses capacités de résilience. Il y a dans la nature une force surhumaine, que nous pouvons aussi faire éclore en nous. C’est d’ailleurs ce que je disais aux mamans que j’accompagnais quand j’étais sage-femme. Je suis tous les jours émerveillée par la nature. C’est une telle nourriture du cœur, c’est un sentiment tellement bon à vivre, comme l’amour… Et si réussir sa vie, c’était ça, connaître un endroit d’apaisement pour le corps, le cœur, l’âme où l’on peut, quoi qu’il arrive, se ressourcer ? » Dans son dernier ouvrage, Un abri de fortune (Albin Michel), des personnages cabossés par la vie viennent se reconstruire dans une ferme au milieu de la nature.
À lire
- Cerveau et Nature de Michel Le Van Quyen (Flammarion)
- Le bonheur est dans la nature de Marc Giraud (Delachaux et Niestlé)
- Besoin de nature de Louis Espinassous (Hesse)
- La Sylvothérapie d’Alix Cosquer, collection Que sais-je ? ( PUF)