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Les microbes, ces alliés santé invisibles (3/4)

Les microbes ont hérité d'une mauvaise réputation au fil des siècles. Pourtant, leur présence au sein de notre corps, de la nourriture que nous mangeons et de l'environnement est source de bienfaits considérables pour notre santé. Observons à la loupe les rôles insoupçonnés de ces êtres invisibles,  et découvrons comment en faire des partenaires de vie, plutôt que des ennemis à combattre.  

Ces micro-organismes  qui boostent notre alimentation

Ces micro-organismes qui boostent notre alimentation

Derrière chaque morceau de fromage, verre de vin ou croûte dorée de pain au levain, se cache un monde invisible : celui des microbes. Les fruits, les légumes, les céréales, les produits laitiers ou encore la viande hébergent naturellement une flore microbienne provenant du sol, de l’air, de l’eau, voire d’objets avec lesquels ils entrent en contact. Au sein de cette flore, certains microbes peuvent s’avérer néfastes, tandis que d’autres participent à de multiples actions bénéfiques. Ils contribuent ainsi à la conservation des aliments tout en intensifiant leurs saveurs, en les rendant plus digestes, et permettent la fabrication de produits alimentaires tels que les yaourts ou le vinaigre.

Il suffit pour en profiter de recourir à une technique culinaire ancestrale de plus en plus en vogue : la fermentation. Celle-ci daterait d’avant le Néolithique (les premières traces d’aliments fermentés remontent à 13 000 avant J.-C. sur le pourtour méditerranéen). « Ce procédé permettait de conserver des aliments très périssables comme le lait, que l’on pouvait consommer dans le temps sous forme par exemple de fromage ou de yaourt », explique Florence Valence, microbiologiste à l’­Inrae. Concrètement, la fermentation résulte de l’action de bactéries et levures qui utilisent les sucres et autres substrats présents dans les aliments comme source d’énergie, et produisent des composés secondaires tels que des acides organiques, de l’alcool ou des gaz. Ces processus chimiques naturels ont pour effet d’abaisser le pH des aliments, créant un environnement acide défavorable à la prolifération des micro-organismes pathogènes. Dans le cas de la choucroute, l’acide lactique produit par les bactéries assure une longue conservation à cette préparation. Pour le vin et la bière, c’est l’alcool éthylique généré par des levures qui s’en charge, en plus d’apporter à ces boissons des arômes spécifiques.

Aspergillus niger, un champignon dans votre thé

Le thé pu-erh, une variété fermentée originaire de Chine, se distingue par sa saveur terreuse liée à l’action du champignon Aspergillus niger. Naturellement présent sur les feuilles du théier (Camellia sinensis), ce microbe s’attaque, lors du processus de fermentation du thé, aux polyphénols présents dans les parois cellulaires des feuilles. En les décomposant, il adoucit l’astringence initiale du thé tout en libérant des composés aromatiques volatils. Ce sont ces derniers qui confèrent au thé pu-erh ses notes boisées, terreuses, légèrement sucrées.

Tour du monde des fermentations

Actuellement, plus de 3 500 aliments fermentés traditionnels sont référencés de par le monde. Ils sont issus de matières premières d’origine animale et végétale, conduisant à des produits aussi divers que le yaourt, le fromage, le saucisson, le pain… Parmis les recettes à découvrir, il y a le skyr d’Islande, une spécialité laitière de la même famille que le yaourt ; le surströmming suédois à base de hareng, le fameux kimchi de Corée à base de piments et de légumes lactofermentés ; l’injera éthiopienne qui est une grande galette de teff (céréale) ; la boisson rosée tiquira au manioc en Amérique du Sud, le natto (graines de soja fermentées) au Japon ou encore les célèbres pickles de légumes américains. Pour les curieux et adeptes de nouvelles saveurs, vous pouvez vous inspirer des nombreuses recettes figurant dans l’ouvrage Le Tour du monde de la fermentation, de Sandor Ellix Katz (éd. Terre vivante).

Ingérer des aliments fermentés tels...

que le kéfir (contenant des levures comme Saccharomyces et des bactéries comme Lactobacillus kefiranofaciens), le kombucha, le fromage, les olives et légumes lactofermentés apporte à notre flore intestinale une diversité microbienne exceptionnelle. « Une cuillerée de yaourt permet d’ingérer un milliard de bactéries lactiques vivantes et une part de 30 grammes d’emmental quelque 30 milliards de bactéries qui vont interagir avec notre microbiote. Tout en apportant une variété de microbes puisqu’en plus des bactéries, on y trouve aussi des levures et des champignons filamenteux ». Comparée aux produits pharmaceutiques qui se limitent à quelques souches, l’alimentation fermentée est un moyen peu onéreux (et savoureux !) de consommer des probiotiques. Autre aspect positif de la fermentation : l’intérêt nutritionnel de certains aliments est intensifié. « En transformant la matière première, certaines bactéries produisent des métabolites bons pour la santé. Par exemple, dans l’emmental, on trouve une plus grande quantité de vitamine B12 que dans le lait avant fermentation, grâce à la bactérie Propionibacterium freudenreichii à l’origine des trous du fromage », décrypte la microbiologiste. De même, le tempeh, un soja fermenté grâce à Rhizopus oligosporus, contient davantage de vitamines B2, B6 et K que le tofu non fermenté.

Outre leurs bienfaits, les microbes ont aussi l’incroyable pouvoir de modifier la structure même d’un ingrédient. Dans le pain au levain ou les brioches, c’est le CO2 produit par les levures (Saccharomyces cerevisiae) et les bactéries (Lactobacillus sanfranciscensis) qui, piégé dans la pâte, donne à la mie son incomparable texture alvéolée et aérée.

Réussir la fermentation des légumes

En respectant ces bonnes pratiques, vous optimisez vos chances d’obtenir une préparation fermentée savoureuse tout en évitant les microbes indésirables.

  • Prévoir des bocaux en verre qui ferment hermétiquement. Les ébouillanter (sans oublier couvercles et joints) pour les stériliser.
  • Laver, éplucher et découper des légumes qui ne soient ni trop mûrs ni abîmés.
  • Tous les légumes peuvent être fermentés, mais privilégier les légumes racines (carottes, navets, betteraves rouges…), les bulbes (oignon, ail…), les tiges (blettes, poireaux, céleri branche…) et les feuilles dures comme le chou.
  • Bien se laver les mains avant de conditionner les légumes dans des bocaux.
  • Conserver les bocaux à température ambiante (entre 20 et 25 °C) pendant 2 à 3 jours, puis les entreposer dans un lieu frais (entre 15 et 18 °C).
  • Après ouverture, garder les bocaux au frais et consommer les légumes dans les deux semaines.

Recette de pickles de légumes

Le terme pickle, « cornichon » en anglais, désigne un mode de conservation ancestral consistant à faire mariner des légumes ou autres ingrédients dans une saumure vinaigrée agrémentée d’aromates et d’épices. Ce procédé de conservation prolonge la durée de vie des aliments et intensifie leurs saveurs. Voici la recette de Nina Gouze, créatrice de l’Instagram zéro déchet @jolisauvage.

Ingrédients 60 cl de vinaigre blanc • 80 g de sucre • Aromates au choix (1 c. à. café de grains de poivre, moutarde, aneth ou gingembre, 2 gousses d’ail, 1 échalote ou 1 c. à. soupe de persil, thym…) • Légumes bio au choix.

Méthode

1. Mélanger les ingrédients dans 1 litre d’eau, jusqu’à dissolution du sucre. 2. Porter à ébullition. 3. Placer les aromates au fond d’un bocal stérilisé, puis les légumes non épluchés coupés en morceaux par-dessus, jusqu’à 1 cm du bord. 4 Verser la marinade bouillante, jusqu’à 1 cm du bord. 5. Fermer, retourner le bocal, le laisser refroidir tête en bas. 6. Consommer après 48 heures seulement, et jusqu’à 2 semaines après ouverture.

Astuce zéro déchet : Une fois les pickles consommés, réutiliser les aromates égouttés en les mixant avec de l’huile d’olive pour obtenir une vinaigrette parfumée.

Pour bénéficier de ces avantages, l’on peut avoir recours à différents types de fermentation. L’une des plus courantes, la fermentation lactique, se pratique avec des légumes, des légumineuses, des produits laitiers ou des céréales pour favoriser le développement de bactéries lactiques telles que Lactobacillus plantarum ou Leuconostoc mesenteroides. C’est ce qui donne des produits aussi divers que la choucroute, les pickles ou le kimchi. À noter que les personnes intolérantes au lactose et allergiques aux protéines de lait peuvent consommer des légumes lacto­fermentés qui ne contiennent pas de lactose.

Dans la fermentation alcoolique, les levures telles que Saccharomyces cerevisiae transforment, en conditions anaérobies (en l’absence d’oxygène), les sucres du malt, du raisin ou de la farine en alcool et dioxyde de carbone, donnant ­naissance à la bière, au vin et au pain. Quant à la fermentation acétique, elle permet la fabrication de vinaigre de vin ou de cidre grâce à des bactéries comme Oenococcus oeni et Acetobacter aceti, qui oxydent l’alcool du vin ou du cidre en acide acétique.

Outre les aliments fermentés, rappelons que d’autres appelés prébiotiques permettent de nourrir, multiplier et diversifier les microbes bénéfiques de notre flore. Ces fibres, présentes en majorité dans les racines des légumes (à savoir, l’inuline dans les topinambours, poireaux, oignon, pissenlit, asperge, haricots et chicorée, ou encore les fructo-­oligosaccharides des bananes et de l’ail), nourrissent notamment les bifidobactéries et les bactéries lactiques de notre microbiote. En décomposant ces fibres, « les bactéries libèrent des composés qui améliorent le fonctionnement du système immunitaire, régulent les taux de sucre et de cholestérol dans le sang, favorisent le métabolisme des graisses, renforcent le microbiote intestinal et réduisent la perméabilité intestinale », explique le Dr William Berrebi dans son ouvrage Médecine microbiotique (éd. Marabout). Ainsi, il est recommandé de consommer au moins 30 grammes de fibres par jour chez l’adulte.

Mais n’oublions pas que dans le monde des micro-organismes, tous ne sont pas nos amis. Ainsi, il est préférable d’éviter de croiser la route de Listeria monocytogenes, responsable de la listériose ou encore des salmonelles, présente dans les œufs crus, les viandes insuffisamment cuites ou les produits en contact avec des surfaces contaminées. « Il faut éviter la rupture de la chaîne du froid avec des aliments décongelés puis recongelés, utiliser des ustensiles propres, se laver les mains avant de manipuler les aliments, ne pas poser directement un aliment sur l’étagère du frigo », rappelle la microbiologiste. Le monde invisible des microbes qui s’invite chaque jour dans nos assiettes peut nous apporter bien des bénéfices, lorsqu’il est maîtrisé.

Des microbes qui ont du goût !

L’activité microbienne dans le processus de fermentation ne se limite pas à une simple conservation. Les composés secondaires produits par les microbes modifient pour certains profondément le goût et la texture des aliments. Ainsi, dans le pain au levain, les bactéries lactiques comme Lactobacillus sanfranciscensis cohabitent avec les levures Saccharomyces cerevisiae. C’est ce tandem qui génère l’acidité caractéristiques du levain. Pour les fromages à pâte persillée (roquefort, fourme d’Ambert, bleus), la moisissure Penicillium roqueforti produit des acides gras libres, responsables des saveurs piquantes. Dans la soupe miso, des bactéries comme Bacillus subtilis et des moisissures telles que Aspergillus oryzae enrichissent le produit en glutamate, un exhausteur de goût naturel. Quant aux levures Saccharomyces cerevisiae et Candida tropicalis, elles contribuent aux notes florales, fruitées ou miellées des thés oolong.

La levure chimique, peut mieux faire

La levure est un champignon unicellulaire vivant, dont l’une des espèces, telle Saccharomyces cerevisiae, est utilisée depuis des millénaires pour la fermentation du pain, de la bière et du vin. À l’inverse, la levure chimique ou poudre à lever ne contient aucun organisme vivant. Il s’agit d’un mélange d’agents chimiques (bicarbonate de sodium, associé à un acide et parfois à de l’amidon comme agent stabilisant). Si la levure chimique libère par transformation du CO2 à l’origine du gonflement de la pâte, tout comme le fait naturellement la levure vivante en consommant des sucres, cette dernière reste plus avantageuse en termes d’arômes et de saveurs. Elle produit également une texture plus moelleuse et élastique, en plus d’enrichir les aliments en vitamines et enzymes digestives bénéfiques. Enfin, elle offre une conservation plus longue du produit fini.

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