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La grande modernité des médecines traditionnelles (3/4)

L'aspiration à une prise en charge personnalisée et holistique engendre en France un retour en grâce des médecines traditionnelles. Venues de Chine, d'Inde ou d'Europe, elles sont aussi plébiscitées par la science, en quête de nouvelles solutions thérapeutiques. Voyons avec nos experts en quoi ces savoirs ancestraux offrent une approche pertinente de nos problématiques de santé.

La vision naturaliste de la médecine traditionnelle chinoise

La vision naturaliste de la médecine traditionnelle chinoise

On aurait tort de restreindre la médecine traditionnelle chinoise (MTC) à la seule acupuncture, comme c’est souvent le cas en Occident. Il est vrai que cette stimulation assez spectaculaire de points énergétiques du corps – notamment à l’aide d’aiguilles – avait impressionné en Chine les savants français du XVIIe siècle. Une discipline reconnue aujourd’hui en France et dont l’enseignement aux médecins est sanctionné par un diplôme universitaire d’acupuncture médicale. Or, à l’origine, cette pratique ne se résume pas à un geste technique ou à la connaissance de points énergétiques, mais s’inscrit dans « un art médical complexe et complet », selon l’expert Jean Pélissier, auteur de Regard sur la médecine traditionnelle chinoise (éd. Exuvie). Un art ancestral exercé en France par quelques milliers de praticiens, formés à cette médecine « multicarte » dans laquelle, selon Jean Pélissier, le praticien traditionnel est à la fois « psychothérapeute, diététicien, chiropracteur, professeur de gymnastique, acupuncteur, masseur, pharmacologue… ».

La médecine traditionnelle chinoise prône en effet une vision globale du patient en s’appuyant sur quatre branches thérapeutiques : l’acupuncture avec des aiguilles, de la moxibustion ou des ventouses, la diététique et les produits de pharmacopée, des exercices physiques et la gestion émotionnelle. Elle mobilise ainsi la circulation d’énergie du corps – qu’on appelle le qi, « souffle vital » – en équilibrant notamment les forces contraires et complémentaires du yin et du yang. Dans cette approche, on ne traite pas une maladie mais un individu singulier que l’on écoute et observe. L’éthnomédecin prend le temps d’interroger le patient, d’ausculter sa langue, son teint, ses expressions faciales et il prend différents pouls (il y en a vingt-huit en MTC !) pour analyser les symptômes et remonter jusqu’aux causes des déséquilibres.

Réveiller son énergie matinale

Dans les parcs chinois, on assiste au même rituel chaque matin : des groupes de personnes de tous âges pratiquant ensemble de la marche, du qi gong, du yoga ou du fitness… Ils suivent en cela les préceptes ancestraux de la médecine traditionnelle, qui préconise de l’exercice dès le lever du jour pour activer son énergie (le qi), réveiller l’aspect yang (la force motrice) afin de dynamiser la santé physique et mentale. Pour s’en inspirer, nul besoin d’enchaîner des postures complexes de qi gong. Il suffit de choisir une pratique simple comme la marche ou les étirements et de focaliser son attention sur le souffle et la sensation du mouvement dans le corps. Cette manière de travailler sur la respiration dans l’instant présent canalise le mental tout en activant les fonctions physiologiques.

Cette phase de diagnostic se fonde sur les analogies existant entre le corps humain et la nature : « On considère que nous sommes un produit du ciel et de la terre, que nous sommes constitués de reliefs, de chaînes minérales et musculaires, de rivières qui nous irriguent… », illustre Patrick Shan, praticien français et formateur en médecine traditionnelle chinoise. Une vision médicale « naturaliste et humaniste » aux antipodes, estime-t-il, de la médecine occidentale allopathique, où les symptômes l’emportent sur les causes et où, « pour comprendre le vivant, on regarde les microbes au microscope ». Sans remettre en question les apports de la médecine moderne, Patrick Shan constate que les patients veulent de plus en plus comprendre pourquoi ils tombent malades et pas seulement être traités au niveau des symptômes. Il leur explique ainsi que les rhumes et syndromes grippaux sont liés, selon la MTC, à une réaction au froid et au vent : « Le froid, aidé par le vent, pénètre dans la surface du corps, qui se défend en bloquant la peau, en arrêtant de transpirer et en crispant les muscles, ce qui cause des courbatures et de la fièvre car la chaleur ne sort plus. » C’est pourquoi il préconise un grog en début de coup de froid pour déclencher une bonne suée « afin de chasser le froid », alors que le paracétamol se contente de faire baisser la température.

Cette approche, vieille de 2 500 ans, s’avère également intéressante pour répondre à des défis médicaux très actuels comme les pathologies ­chroniques. Là où l’allopathie se trouve souvent démunie, la médecine chinoise utilise l’étiologie pour proposer un traitement de fond, notamment pour l’hypertension : « On ne cherche pas seulement à faire baisser la tension, mais à la réguler en identifiant l’origine du problème », explique Patrick Shan. Il existe ainsi pas moins de huit causes différentes d’hypertension avec des solutions adaptées à chaque situation : « En cas de vaisseaux bouchés, on cherche pourquoi il y a un excès de graisse dans le sang car on ne traite pas de la même façon une personne qui a un système digestif trop faible et une autre qui mange trop gras », explique Patrick Shan. Seront préconisées soit des plantes tonifiantes pour la digestion, soit une synergie médicinale pour dégraisser le sang comme la « décoction des deux vieux » (er chen tang), mélangeant des racines de pinellia et des écorces d’oranges « vieilles de plusieurs années pour être efficaces ». Mais si l’hypertension est liée à de l’irritation et du stress chronique, l’acupuncture ou des exercices visant à gérer l’émotion seront plus pertinents. C’est là que la MTC, avec sa palette étendue de méthodes et son individualisation des traitements, s’avère une vraie médecine intégrative bien avant l’heure.

La décoction si wu tang pour fortifier le sang

En médecine traditionnelle chinoise, on privilégie les formules mélangeant diverses plantes car il est dit que la synergie des principes actifs crée l’harmonie du traitement. De même, les plantes sont rarement utilisées telles quelles, mais subissent des préparations complexes, voire des maturations de plusieurs années. Parmi les formules classiques et généralistes, éprouvées depuis plus de deux mille ans, voici si wu tang ou la « décoction des quatre ingrédients ». On l’utilise pour tonifier et améliorer la circulation du sang, « comme si on augmentait le volume et le courant d’une rivière pour qu’elle circule mieux », illustre le praticien Patrick Shan. Dans cette synergie, on trouve deux racines de plantes pour nourrir et fortifier le sang : la rehmannia (shu di huang) et la pivoine blanche (bai shao yao). S’y ajoutent deux plantes à l’action circulante : la racine d’angélique chinoise (dang gui) et le rhizome de livèche striée (chuan xiong). Cette préparation est préconisée comme fortifiant pour renforcer la vitalité.

Loin d’être figée dans le passé, la médecine traditionnelle chinoise fait aussi preuve d’innovation en adaptant sa pharmacopée aux enjeux sanitaires actuels. Telle la tablette herbal tang, élaborée à partir de racines de réglisse, de ginseng et d’astragale, préconisée là-bas en traitement complémentaire du VIH. Jacques Fleurentin, ethnopharmacologue et auteur du Tour du monde des plantes qui soignent (éd. Ouest France) précise d’ailleurs que « la Chine remet à jour sa pharmacopée tous les cinq ans ». Il a même participé en 2000 au groupe de travail franco-chinois qui a permis l’intégration de 70 plantes chinoises dans la pharmacopée française. Un apport intéressant, selon cet expert, car certaines de ces plantes possèdent des propriétés neuroprotectrices peu présentes dans notre pharmacopée, comme « la scutellaire du Baïkal, qui permet de créer de nouveaux vaisseaux sanguins, notamment après un accident vasculaire cérébral ». De nouvelles pistes thérapeutiques certes porteuses, mais qui, d’après les défenseurs de la tradition ancestrale chinoise, sont à utiliser en accord avec la vision holistique de la MTC. Pour Patrick Shan, la vraie modernité de cette discipline millénaire est de rappeler la dimension naturelle de la santé humaine : « Chaque fois que l’on respire, le ciel entre en nous et chaque fois que l’on mange, c’est la terre qui nous nourrit. » Une approche d’autant plus importante que nos vies quotidiennes s’artificialisent et s’éloignent de plus en plus de la nature.

La convoitée scutellaire du Baïkal

Plante phare de la pharmacopée chinoise, la scutellaire du Baïkal, ou huang qing, s’est d’abord fait connaître en Occident comme ingrédient cosmétique pour ses effets prometteurs antioxydants et anti-âge. Puis la recherche s’est penchée sur les autres propriétés de cette plante des steppes arides, utilisée traditionnellement pour « clarifier la chaleur et assécher l’humidité » en cas de fièvres, saignements, douleurs, dysenteries et troubles pendant la grossesse. Sous le microscope, la scutellaire du Baïkal a de fait révélé un puissant potentiel thérapeutique. Des études ont démontré sa capacité à inhiber la croissance des tumeurs dans différents cancers. L’un de ses principes actifs, la baïkaline, est considéré avec sérieux comme traitement possible du Covid-19. D’autres essais ont constaté que les flavonoïdes de la scutellaire agissaient comme neuroprotecteurs, capables de prévenir les lésions des neurones tout en modérant l’inflammation. La racine de cette plante est d’ailleurs intégrée à des remèdes chinois, utilisés au niveau clinique pour traiter des accidents vasculaires cérébraux.

L’art des ventouses

La thérapie par les ventouses est l’un des arts ancestraux de la médecine traditionnelle chinoise (MTC), mais le médecin grec Hippocrate y recourait également, tout comme le chirurgien français Ambroise Paré, qui vantait ses mérites au XVIe siècle. La technique consiste à placer des ventouses, plutôt sur le dos et la nuque, pour stimuler des points énergétiques. Par leur aspiration, elles provoquent une congestion localisée destinée à activer la circulation sanguine. Les ventouses sont employées en particulier dans des cas de bronchite, pour aider le poumon à se dégager. En MTC, on appelle cela « expulser une perversité de la surface ». Elles sont aussi très utilisées dans le cadre sportif pour amener de l’énergie et augmenter l’apport en sang dans la couche musculaire afin de renforcer les performances. De même, la MTC recommande leur usage dans le cas de douleurs et de tensions au niveau du dos. Le praticien déplace alors de grosses ventouses mobiles pour produire un effet massant de palper‑rouler, destiné à libérer les zones tendues.

En aucun cas les informations et conseils proposés sur le site Plantes & Santé ne sont susceptibles de se substituer à une consultation ou un diagnostic formulé par un médecin ou un professionnel de santé, seuls en mesure d’évaluer adéquatement votre état de santé.
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