Attaque contre des produits à base d'huiles essentielles
C’est le grand ménage au rayon des produits d’entretien de la maison. Dans son dernier hors-série, le magazine 60 millions de consommateurs procède à un nettoyage tous azimuts, pointant du doigt pas moins de 46 « bêtes noires à éliminer ».
Parmi elles, triste surprise, figurent plusieurs produits à base d’huiles essentielles, comme des sprays assainissants, des désodorisants, des acaricides, accusés notamment « d’aggraver la pollution de l’air intérieur et de concentrer un bouquet de substances toxiques pour l’appareil respiratoire ». La charge est virulente et peu héroïque.
Elle dénote en effet une profonde méconnaissance de ce qui fait la spécificité des huiles essentielles, au sujet desquelles le dossier se contredit d’ailleurs. Certes, il n’est pas question de le nier, ces essences contiennent des molécules qui peuvent se révéler irritantes, voire allergisantes, notamment lorsque l’on a les voies respiratoires fragiles. Cela nécessite, comme nous le rappelons régulièrement dans notre magazine, des précautions d’emploi qui passent en particulier par le respect des doses et les modes de diffusion.
Or, plutôt que d’inciter le consommateur au bon usage de ces produits, plutôt que de le sensibiliser aux risques induits par l’assainissement systématique de nos intérieurs – auquel nous incitent les industriels –, plutôt que de lui rappeler que c’est aussi cette traque aux bactéries qui rend nos organismes moins résistants, bref, plutôt que de responsabiliser le consommateur, on lui fait peur. On le dissuade d’employer des produits qui ne sont pas intrinsèquement toxiques. Mais quel sens y a-t-il à forcer le trait au point de présenter les huiles essentielles comme des « toxiques invisibles » ? Des services hospitaliers, rappelons-le, les utilisent régulièrement et en tirent des bienfaits quotidiens...
Et c’est bien là ce qui est dérangeant : cette impression que le principal objectif du hors série est de remettre en cause cet a priori positif qu’ont les consommateurs pour les produits naturels. Et de faire de leurs substances allergènes une raison suffisante pour ne plus les utiliser. Sur cette problématique, l’expérience des parfumeurs devrait nous inciter à réfléchir. Cette industrie florissante, qui élaborait traditionnellement ses produits à partir d’arômes naturels, a lancé sa propre démarche afin d’encadrer l’utilisation de ces matières premières a priori allergisantes. Le problème a-t-il été résolu pour autant ? Pas vraiment. Concrètement, les molécules naturelles ont cédé la place à une multitude d’arômes synthétiques, pas forcément exempts d’allergènes. Aujourd’hui, vingt ans après la mise en place des premières normes, 98 % des parfums sont synthétiques, c’est-à-dire qu’ils n’utilisent plus du tout les huiles essentielles comme ils le faisaient auparavant.
Est-ce cela que nous voulons ? Cet exemple est symptomatique. Dans notre société, quand on chasse le naturel, on ne le voit pas revenir au galop ! C’est pourquoi, plutôt que de l’attaquer sans discernement, nous aurions plutôt intérêt à lui faire confiance, quitte à accepter certaines contraintes. Utiliser des produits naturels est, j’en suis convaincue, un des meilleurs moyens pour devenir des consommateurs éclairés… et pas du tout apeurés.