Point de vue
Ouvrons le débat sur les compléments à base de plantes
Alors que la mission d'information sur le développement de l'herboristerie a rendu son rapport en octobre dernier, les compléments alimentaires à base de plantes se retrouvent sous le feu des accusations. Et si nous profitions du grand débat national pour enfin parler du statut des plantes médicinales ?
Une fois de plus, on nous alerte sur la dangerosité des plantes médicinales. La très docte Académie nationale de pharmacie vient de publier un rapport sur les compléments alimentaires contenant des plantes où elle souligne les risques liés au manque d’encadrement de ces produits. Premières visées, des gélules aux vertus laxatives riches en hétérosides hydroxyanthracéniques, composés que l’on retrouve dans le suc d’aloès, l’écorce de bourdaine ou de cascara, les racines de rhubarbe ou encore les fruits et folioles de séné. L’Académie ne s’en tient pas là ; elle remet également en cause les 540 plantes qui composent, depuis l’arrêté de juin 2014, la liste des espèces végétales autorisées dans les compléments alimentaires.
Face à ce qui ressemble à une attaque en règle contre ces produits, on peut réagir de plusieurs façons. La première serait de dénoncer une action de lobbying du secteur pharmaceutique. Ce n’est pas la première fois que la profession – tout au moins ses instances officielles – revendique le monopole – qu’elle a longtemps eu – sur les plantes médicinales. Or, la vente de compléments alimentaires est aujourd’hui bien installée et connaît une jolie progression (selon le syndicat Synadiet, le marché est passé de 1 milliard d’euros en 2009 à 1,8 milliards en 2017). Quant au dispositif encadrant les compléments alimentaires, également fustigé par l’Académie, il existe en France depuis 2006.
On est d’autant plus enclin à voir ici du lobbying pharmaceutique que le rapport pointe les dangers du séné et de la rhubarbe, pour rappeler aussitôt que ces plantes avaient auparavant un statut de médicament… À quel moment, d’ailleurs, passe-t-on la frontière du médicament pour se retrouver du côté des compléments alimentaires ? On aimerait, en outre, avoir des précisions sur les 2 600 effets indésirables comptabilisés entre 2010 et 2016. Pour sa part, le Synadiet fait état de 77 notifications seulement pour l’année 2017, sur un total de 150 millions de boîtes vendues.
Mais le ping-pong des arguments ne va pas nous aider à avancer. Alors, plutôt que de riposter, pourquoi ne pas réfléchir à des pistes constructives, envisagées de façon globale et qui seraient utiles à tous ceux qui ont recours aux plantes pour se soigner ? On pourrait ainsi clarifier l’étiquetage des compléments alimentaires, que ce soit en matière de précautions d’emploi, de dosages ou d’interactions. La question de la qualité ne devrait pas non plus être taboue, pas plus que celle de la formation des vendeurs.
En fait, nous aurions tort de ne voir dans ce rapport qu’une attaque à l’encontre des compléments alimentaires. Il s’agit en fait du énième rebondissement d’un débat qui n’a jamais vraiment eu lieu sur le positionnement des filières et des métiers ayant trait aux plantes médicinales. En lançant la mission sur le développement de l’herboristerie, en avril 2018, le sénateur Joël Labbé avait amorcé cette remise à plat. Poursuivons-la ! L’avenir du secteur ne doit pas se régler uniquement dans les coulisses des instances professionnelles et réglementaires. Alors que se tiennent les réunions publiques du grand débat national, pourquoi ne pas mettre cette question sur la place publique, et tenter de dépasser les intérêts particuliers pour donner aux médicinales des statuts à la fois sécurisés et ouverts ? Nous y avons tous intérêt.