Cueillette sauvage
La ciboulette, une herbe si fine !
Le plus souvent, ce que l'on prend pour de la ciboulette sauvage n'en est pas. Cet « ail » aux fines feuilles odorantes et aux jolies fleurs roses se montre plutôt rare dans la nature tandis qu'il s'est parfaitement acclimaté à nos jardins, où il forme fréquemment des bordures. Avec toujours cette saveur alliacée…
Je pense qu'il y a maintenant prescription et que je peux avouer mon erreur sans qu'on me la reproche. Dans ma jeunesse aujourd'hui lointaine, je rencontrais fréquemment au bord des chemins une plante semblable à de l'« herbe », formant de jolies touffes de feuilles minces et dressées, cylindriques et striées, reconnaissables au premier coup d'œil. Ce qui les rendait plus faciles à identifier, c'était l'odeur d'ail caractéristique qui s'en dégageait dès le premier froissement. Sans aller chercher plus loin, je nommai cet ail sauvage « ciboulette », puisqu'il ressemblait grandement au condiment herbacé que je voyais souvent cultivé dans les bordures des potagers.
Il me fallut de nombreuses années pour me rendre compte que j'avais en réalité affaire à l'ail des vignes (Allium vineale) – et certainement à d'autres espèces encore : le genre en comporte un grand nombre, distinguées principalement par la structure de leurs fleurs, qui ne sont pas toujours présentes. D'ailleurs, je ne voyais jamais fleurir ma plante sauvage alors que j'observais, en été, les ciboulettes des jardins porter fièrement au sommet de leur hampe un pompon dense de mignonnes fleurs roses. Et puis, les feuilles de ces « fines herbes » me paraissaient à l'œil d'un vert plus vif et très souples au toucher, tandis que celles des sauvageonnes revêtaient une teinte bleuâtre et semblaient plus coriaces.
La vraie ciboulette pousse sur les prairies humides de montagne
En revanche, je ne décelais pas de différence majeure dans leurs saveurs respectives et je n'en faisais pas non plus dans leurs usages. Mais comme j'apprécie la précision et qu'il s'agissait manifestement de deux espèces distinctes, je voulus en avoir le cœur net. Une aide efficace à l'identification d'une espèce consiste à savoir dans quel environnement elle vit : on peut ainsi bien souvent distinguer aisément des plantes très ressemblantes. Un rapide coup d'œil à la Flore de Coste m'apprit que, contrairement à la plupart des ails sauvages qui se rencontrent dans des lieux secs, l'habitat naturel de la véritable ciboulette se situait dans les prairies humides de l'étage subalpin, en montagne donc.
Herbier // Ciboulette (Allium schoenoprasum)
La ciboulette (Allium schoenoprasum) est une plante vivace de 20 à 50 cm de hauteur, glabre. Ses parties souterraines sont formées de bulbes oblongs qui donnent d'épaisses touffes de feuilles persistantes...
, cylindriques et creuses, longuement effilées au sommet, d'un vert vif et bleuté. Les tiges sont également cylindriques et creuses et portent des feuilles dans leur tiers inférieur. Les fleurs présentent 6 tépales (sépales et pétales semblables) allongés, roses et marqués d'une ligne d'un pourpre sombre, formant une corolle étroite. Les étamines, libres, sont au nombre de six et il y a 3 carpelles soudés. Les fleurs, brièvement pédicellées, sont densément réunies en une ombelle globuleuse dépourvue de bulbilles et entourée d'une spathe à 2-3 valves terminées par une courte pointe. Elles s'épanouissent de juin à août. Les fruits sont de petites capsules sphériques renfermant quelques graines noires.
La ciboulette pousse sur les pelouses ou dans les rochers humides des montagnes – Vosges, Jura, Massif central, Alpes et Pyrénées, ainsi qu'en Corse. Elle se rencontre dans une grande partie de l'Europe, en Asie tempérée et en Amérique du Nord. On la cultive couramment dans les jardins potagers. Le genre Allium compte environ 700 espèces, toutes odorantes, dont une dizaine sont cultivées.
Cueillette de la ciboulette
Feuilles : au jardin, quasiment toute l'année, à l'état sauvage, de juillet à septembre.
Fleurs : au jardin, tout l'été, à l'état sauvage, à la fin de l'été.
Beurres, omelettes, soufflées : des recettes originale avec la ciboulette
C'est à l'occasion d'une session de travail avec un chef cuisinier dans le Queyras que se réalisa mon vœu. En remontant la vallée, la piste croisait de nombreux ruisseaux aux eaux claires qui dévalaient les pentes herbeuses. Sur un replat, l'un d'eux se divisait en multiples bras bordés d'une végétation dense : un champ de ciboulette sauvage, en pleine floraison. Quel spectacle splendide que ces innombrables touffes d'un vert éclatant surmontées de jolies houppettes de couleur vive ! Et je ne pus m'empêcher d'en grignoter quelques brins pendant que nous la récoltions à poignées – en quantités raisonnables, bien sûr.
Certes, rien n'est plus classique que la ciboulette, reine des « fines herbes », bien connue même du cuisinier le moins chevronné. Il ne s'agit pas d'une de ces plantes « magiques », telle la benoîte urbaine, l'épiaire des bois ou le lierre terrestre, qui troublent profondément nos sens et nous questionnent jusqu'à ce que nous ayons dépassé la première impression et découvert des façons totalement nouvelles d'apprivoiser ces saveurs étranges. Peut-être, en fait, ne fais-je pas preuve de suffisamment d'imagination, mais la saveur purement alliacée des feuilles de ciboulette, la simple beauté de ses fleurs font que je me contente de les ajouter telles quelles, finement ciselées pour les longues feuilles cylindriques, à des plats simples où j'essaie toutefois de mêler des ingrédients originaux. Et pour être honnête, je n'ai jamais été déçu du résultat.
Au-delà des salades et des soupes, la ciboulette peut être utilisée dans des préparations comme les beurres composés, les vinaigrettes, les sauces, les omelettes, les soufflés et une multitude d'autres recettes. Elle est toujours meilleure fraîche. Si l'on en a quelques touffes dans son jardin, on peut s'en procurer une grande partie de l'année, alors qu'en montagne ses feuilles ne seront présentes que de juillet à septembre – et ses fleurs moins longtemps encore. Sinon, on peut la congeler.
D'un point de vue nutritionnel, la ciboulette renferme, comme toutes les feuilles vertes, des protéines complètes, équivalentes aux protéines animales, des vitamines, et en particulier l'indispensable vitamine C, des minéraux et des antioxydants. Même si l'apport de la plante n'est pas énorme, puisqu'on ne la consomme que comme condiment, il n'est pas négligeable. Son essence aromatique riche en composés soufrés lui confère des vertus antiseptiques et digestives. La ciboulette présente donc également un réel intérêt médicinal.
Recette sauvage // Tofu à la ciboulette et sauce ponzu maison
Ingrédients :
- 200 g de tofu ferme
- 200 g de tofu soyeux
- 3 cuillerées à soupe d'huile de sésame
- 1 bouquet de ciboulette
- 4 cuillerées à soupe de sauce de soja
- 2 cuillerées à soupe de jus de citron
- 1 cuillerée à soupe de vinaigre de riz
- 1 cuillerée à café de sucre
- 1 morceau de gingembre frais (environ 2 cm)
- 20 g de graines de sésame grillées.
- Égoutter soigneusement les tofus et les couper en cubes d’environ 2 cm de côté.
- Faire chauffer l’huile de sésame dans une poêle et y mettre les cubes de tofu jusqu’à ce qu’ils soient dorés de tous les côtés.
- Dans un bol, mélanger la sauce de soja, le jus de citron, le vinaigre de riz et le sucre jusqu’à ce que ce dernier soit dissous.
- Ajouter le gingembre râpé et bien mélanger.
- Disposer les cubes de tofu dans un plat de service et verser la sauce ponzu maison sur le tofu, en veillant à bien enrober tous les morceaux.
- Ciseler la ciboulette et la répartir sur le plat.
- Faire légèrement griller les graines de sésame et les ajouter.
- Servir rapidement ce tofu assaisonné, accompagné de riz japonais (ou de riz à risotto) et de légumes cuits à la vapeur.
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