Massif du Garlaban, la terre odorante de Pagnol

Le massif du Garlaban domine le pays d'Aubagne, non loin de Marseille. De collines en collines, on peut partir sur les traces de Marcel Pagnol, amoureux de ce bout de terre provençale qui imprègne ses récits autobiographiques et ses films. Ce gros massif calcaire, désormais protégé, abrite une riche diversité floristique dont les plantes médicinales chères à Manon des Sources. Comme le dit le guide naturaliste Georges Merendier, de l'office du tourisme d'Aubagne, nous sommes bien ici en « Pagnolie ».

Comme au cinéma

Partir du domaine de la Font de Mai est idéal pour rejoindre les sentiers de randonnée qui sillonnent le massif. Le premier site nous fait découvrir le puits de Raimu qui figure dans le film La Fille du puisatier tourné par le cinéaste en 1940 : il se trouve dans une petite clairière, sur une pelouse de brachypodes rameux – la fameuse « baouco », la prairie du sud. Tout autour, les pins d'Alep majestueux semblent constituer un décor immuable.

On traverse ensuite le Vallon de Marcellin parsemé de blé dont se nourrit la petite faune. Ce qui nous emmène vers le col d'Aubignane à 332 mètres d'altitude, et le vallon de Passe-temps, un des terrains de jeu favoris de Pagnol enfant et dont il parle dans ses livres La Gloire de mon père et Le Château de ma mère. On y trouve beaucoup de lavande aspic, de bourrache et de chicorée.

On découvre aussi une cousine de la menthe, le calament, très ­aromatique avec ses parfums subtils et citronnés. Cette plante est appréciée des abeilles lors de sa floraison estivale. En hiver, on peut voir encore le fenouil sauvage tout en hauteur et balayé par le vent. À l'automne, en plein été indien, la valériane si profitable pour le système nerveux se plaît bien ici comme d'autres plantes évoquées par l'écrivain : « Sur les plateaux de la garrigue, le thym, le romarin, le cade et le kermès gardent leurs feuilles éternelles autour de l'aspic toujours bleu, et c'est en silence au fond des vallons que l'automne furtif se glisse… ».

Des vallons enchanteurs

Entre les romarins et les buissons d'églantiers qui donneront des baies riches en vitamine C (cynorrhodons) l'hiver, on se dirige vers la grotte de Manon des Sources, tout en ­admirant le ­sommet du Garlaban, à 714 mètres. Les randonneurs chevronnés pourront atteindre en 1 h 50 ce massif émergé à la fin de l'ère Mésozoïque, autrefois recouvert de forêts. Pagnol écrivait dans La Gloire de mon père : « Garlaban, c'est une énorme tour de roches bleues, plantée au bord du Plan de l'aigle, cet immense plateau rocheux qui domine la verte vallée de l'Huveaune ». La prochaine colline est le pic du Taoumé à 668 mètres de hauteur avec ses vallons qui faisaient tant rêver l'écrivain qu'il envisagea d'y vivre.

On poursuit vers le puits du Mûrier qui donne encore de l'eau. Sur cette terre aride, on trouve des kermès (chênes des garrigues) qui poussent spontanément sur les sols calcaires, des cades (genévriers très résistants), et des ajoncs de Provence dont la floraison peut apparaître dès le mois de janvier. On arrive ensuite sur les crêtes du Garlaban, avec respectivement Tête-ronde et Tête-rouge car la bauxite riche en silice et alumine est de cette couleur. On pourra retrouver la « Bastide neuve » où Pagnol passa les plus belles vacances de sa vie.

Au fil de la balade, le guide nous raconte l'impact du réchauffement climatique dont on voit des traces sur les chênes blancs et verts qui poussent peu d'une année sur l'autre ; ils stagnent car ils manquent d'eau. On voit aussi des pins attaqués par des parasites, les scolytes, qui ont tendance à se développer dans les collines avec la chaleur. Une flore rustique se maintient grâce à la fraîcheur des vallons tandis qu'en été, les pins d'Alep résistent à la hausse des températures. De plus, quand il fait très chaud, la résine qui entoure leurs graines fond et quand elles tombent ou s'envolent avec le vent, elles continuent leur chemin pour germer ailleurs. C'est ainsi que les pins se multiplient ici. Par respect pour la nature, « nous ne plantons rien, nous laissons faire » précise le guide, un enfant du pays, comme Pagnol.