Les Jardins de l'eau du Pré curieux : Les trésors des zones humides du Léman
Sur la rive sud du lac Léman, à Évian-les-Bains, la faune et la flore aquatiques trouvent asile au Pré curieux. On accède à ces jardins uniquement en bateau électro-solaire. La visite botanique à la découverte des zones humides se transforme alors en aventure lacustre.
Avant même d’arriver aux Jardins de l’eau du Pré curieux, les visiteurs sont plongés dans la thématique aquatique : l’accès se fait uniquement par voie lacustre, à bord d’un bateau qui effectue le trajet trois fois par jour depuis les quais d’Évian-les-Bains. L’embarcation, L’Agrion, est électro-solaire, d’où un trajet silencieux et donc très zen au milieu de l’immensité du lac Léman. Une quinzaine de minutes plus tard, le bateau accoste tranquillement devant la grande maison rose saumon du Pré curieux, ancienne demeure privée au style colonial qui accueille aujourd’hui les visiteurs mais aussi des scientifiques. Les Jardins de l’eau, créés en 1998, sont en effet un pôle de recherche et de communication de la Convention de Ramsar, un organisme international qui œuvre pour la protection des zones humides dans le monde entier.
Évian, ville d’eaux et d’arbres
Au bord du lac Léman, Évian-les-Bains est connue mondialement pour ses sources qui ont longtemps attiré les personnes souffrant de calculs rénaux. Cette ville d’eaux est aussi réputée pour sa végétation et une nouvelle visite guidée, la promenade « Arbres et jardins évianais », met à l’honneur les nombreux arbres géants (séquoias, hêtres pourpres…) ainsi que la collection de spécimens au port original (hêtres pleureurs, cèdres pleureurs…). « Depuis 2017, 30 % de la commune a été classé en zone naturelle inconstructible , nous apprend le guide Jean-Michel Henny. Les surfaces en espaces boisés classés augmentent et certaines font partie d’un grand réseau de corridors écologiques. » On découvre aussi plusieurs petits jardins historiques – un jardin japonais, un jardin anglais et un jardin des simples – ainsi que des sculptures monumentales en bois flotté, les flottins, fabriquées à partir de branchages que charrient les rivières alimentant le lac Léman.
« Hotspots » de biodiversité
Marais, étangs, prairies humides… ces différents écosystèmes aquatiques prospèrent aux Jardins de l’eau du Pré curieux. Or ils sont de véritables concentrés de vie : les zones humides sont en effet considérées comme des « hotspots » (autrement dit des points chauds) de biodiversité, abritant 40 % de la faune et de la flore mondiales alors qu’ils ne représentent que 10 % de la surface terrestre. Par ailleurs, ces écosystèmes rendent des services environnementaux qui répondent à des problématiques actuelles majeures : ils filtrent l’eau pour en améliorer la qualité, créent un effet tampon en cas de fortes précipitations pour prévenir les inondations et stockent du CO2 pour réduire l’effet de serre.
Malheureusement, les zones humides ont fortement régressé du fait de l’activité humaine et les rives du lac Léman ne dérogent pas à cette triste règle. Sur ses 200 km de côtes lacustres, seulement 3 % sont encore occupées par des marais, contre 23 % de milieux semi-naturels – prés et cultures – et 74 % d’installations urbaines – enrochements, quais, ports et voies de communication. Les Jardins de l’eau du Pré curieux et leurs 3,5 hectares de zones humides offrent ainsi un refuge à des espèces végétales et animales qui ne sont plus les bienvenues sur la grande majorité des rives du Léman. On y observe tous les ans l’arrivée de nouvelles espèces animales telles que salamandres, grenouilles, milans noirs, castors, etc.
Trèfle d’eau (Menyanthes trifoliata)
Cette plante aquatique forme de belles fleurs blanches précédées de boutons roses. Ses feuilles trilobées vert foncé émergent d’une dizaine de centimètres au-dessus de la surface de l’eau. Bonne fixatrice des berges, elle est aussi appréciée pour ses propriétés médicinales. Sous forme de teinture-mère, elle est connue pour stimuler les défenses immunitaires et réguler les cycles menstruels.
Littorelle à une fleur (Littorella uniflora)
Espèce protégée au niveau national, cette petite plante (5 à 10 cm) est typique des rives de lacs. Elle peut effectuer tout son cycle de vie sous l’eau, s’y reproduisant par stolons, mais produit parfois des fleurs hors de l’eau. Elle est appréciée dans les aquariums, où elle forme un gazon.
De plus en plus sauvage
C’est donc un site aussi précieux qu’exceptionnel que les curieux découvrent lorsqu’ils débarquent du bateau solaire. Les pieds sur terre, la déambulation proposée suit une progressivité, commençant par des installations aquatiques très maîtrisées avant d’évoluer vers des écosystèmes de plus en plus sauvages. On découvre tout d’abord une série de bassins rectangulaires où fleurissent nénuphars, plantain d’eau et menthe aquatique. C’est le domaine des carpes koï et au Pré curieux, ces poissons d’ornement évoluent dans un cadre à la mesure de leur panache puisque les bassins sont bordés de plantes opulentes, hostas, hémérocalles et hortensias, ainsi que de grands mélèzes.
Les visiteurs traversent ensuite une prairie humide où plusieurs variétés d’arbres fruitiers ont été plantés pour accroître la biodiversité. Les principes de la gestion différenciée y sont appliqués. Cette méthode consiste à mettre en œuvre différentes pratiques de jardinage respectueux de l’environnement. Par exemple, on ne fauche l’herbe qu’une ou deux fois par an. Il en résulte une pelouse d’herbes hautes et fleuries qui offrent le gîte et le couvert à la faune locale (insectes, oiseaux, rongeurs). De plus, des relevés de température réalisés au Pré curieux ont montré que cette végétation conserve la fraîcheur : en plein été, on y mesure moins de 20 °C au sol, contre 30 °C dans une pelouse tondue et 40 °C sur des graviers… La faune des prairies humides apprécie cette climatisation naturelle !
Maintenir le marais pour préserver l’écosystème aquatique
La visite se poursuit vers un étang alimenté par le ruisseau traversant la propriété et par un pompage dans le lac : le profil de ses rives lui permet de déborder dans un ensemble de prairies humides jusqu’à aboutir, plus bas, à un petit marais. Ce dernier est colonisé par des plantes caractéristiques comme la massette à larges feuilles, le populage des marais et le trèfle d’eau. Naturellement, le marais devrait se transformer en forêt car les débris des plantes s’ajoutent aux sédiments qui, ensemble, assèchent l’écosystème aquatique. Mais au Pré curieux, il est maintenu en l’état grâce à la fauche du couvert herbeux et à l’élimination des matières végétales.
En suivant le ruisseau, on rencontre une belle collection de plantes d’ombre, fougères mâles, hostas et alchémilles. Puis le cours d’eau rejoint le lac, formant un petit delta. Ce dernier, alternativement immergé et émergé, procure les conditions essentielles à l’installation d’une plante quasiment disparue du Léman, la littorelle uniflore. Face à l’immensité du lac Léman, la présence de cette petite plante aquatique peut sembler anecdotique. Mais son retour témoigne d’une volonté de renaturation des jardins, une vision que nous sommes de plus en plus nombreux à partager.
Infos pratiques
- Comment y aller Depuis Paris : TGV directs les week-ends en été et hiver (4 heures environ). Le nouveau Léman Express relie Évian à Genève en 1 heure environ. À Évian, depuis l’embarcadère du Casino, les départs du bateau L’Agrion ont lieu à 10 h, 13 h 45 et 15 h 30. Se renseigner en cas de mauvaise météo : Bateaux-leman.com
- Horaires et tarifs Du 01/05 au 12/07 et du 26/08 au 29/09 : fermeture le lundi. Du 13/07 au 25/08 : ouverture tous les jours. Adulte : 19 €,- 12 ans : 13 €.
- Adresse Jardins de l’eau du Pré curieux, quai de Blonay, 74500 Évian-les-Bains. Tél. 04 50 75 04 26.
- Hébergement Savoy Hôtel à Évian, à partir de 100 €. Tél. 04 50 83 15 00. Hotel-evian-savoy.com
- Et aussi Promenade « Arbres et jardins évianais », tarif 6 €. Informations : 06 24 12 34 49 ou sur Evianchatelet.org