Dossier
Force et symbolique des végétaux sacrés (8/8)
Symboles sur terre de dieux puissants et inaccessibles, investies de pouvoirs mystérieux, les plantes sont depuis la nuit des temps les messagères des humains vers le monde immatériel, et vice versa. De l'achillée bénie chez les Celtes aux tagètes vénérées au Mexique en passant par l'iboga, le bois sacré du Gabon, partons à la découverte de ces végétaux qui nous relient à l'invisible.
Armoise, la mère des plantes
Connue depuis les pharaons d’Égypte pour éloigner les mauvais esprits, l’armoise était largement vénérée chez les Celtes sous le nom gaulois de bricumum. Surnommée « ceinture de Saint Jean », elle était cueillie au moment du solstice d’été, aux premières lueurs de l’aurore. On la portait autour de la taille en dansant autour du feu, avant de la jeter dans les flammes pour jouir d’une bonne santé toute l’année. On avait recours à l’armoise autant pour ses vertus médicinales sur le cycle féminin que pour son pouvoir spirituel. Gardienne du seuil de la maison et protectrice, elle était employée par les druides, en particulier au moment délicat des accouchements, explique Marilyn Brentegani, ethnobotaniste : « On brûlait de l’armoise dans les espaces sacrés où les femmes donnaient naissance pour les soutenir dans cette transformation initiatique où elles deviennent mères ». D’ailleurs, Artemis, la déesse de la Lune, des naissances et des passages, a donné son nom à cette plante (Artemis vulgaris) que les ovates, les prêtres gaulois, utilisaient aussi en fumigation pour favoriser les prophéties.
L’armoise africaine
Chez le peuple sud-africain xhosa, les guérisseurs ont appris de leurs ancêtres à utiliser l’umhlonyane ou Artemisia afra. Remède aux maux quotidiens, cette armoise autochtone, qui pousse jusqu’en Éthiopie, possède surtout une dimension sacrée essentielle aux yeux des izangoma. Ces devins-guérisseurs considèrent que la plante « vit en eux » et que sa sève est « le sang des ancêtres ». Pour entrer en relation avec l’esprit de l’umhlonyane, ils entretiennent avec elle une relation fusionnelle, en l’honorant comme un membre de la famille. Et ils décuplent son pouvoir spirituel guérisseur grâce au son des tambours sacrés, en la consommant en breuvages et en la portant contre eux pour susciter des visions initiatiques.
Et aujourd’hui...
Beaux rêves et oreiller d’armoise
Au temps des druides, on employait l’armoise pour entrer dans le monde des rêves, raconte Marilyn Brentegani, auteure de Plantes des Celtes. Pour pratiquer ce rituel, elle conseille d’acheter de l’armoise bio ou de la cultiver soi-même puis d’en faire un petit bouquet séché et de demander sa purification en la présentant devant une flamme (sans la brûler). On glisse ensuite la plante à l’intérieur de sa taie d’oreiller avant de s’allonger. Les sommités et feuilles froissées de l’armoise, riches en huile essentielle, vont alors dégager leurs senteurs aromatiques réputées propices aux rêves, peut-être grâce aux vertus digestives et antistress reconnues à cette plante.
Le jasmin, fleur d’amour
Le jasmin est aujourd’hui l’ingrédient fétiche des plus grands parfumeurs. Mais cette fleur délicate originaire de l’Himalaya est avant tout un symbole de pureté et d’amour en Inde. Dans la mythologie indienne, il est dit que Kâma, dieu hindou du désir, répandait l’amour par des flèches constituées de fleurs, dont l’une était le jasmin. On la retrouve dans les chevelures lors des mariages pour symboliser la pureté, ou en guirlandes offertes aux dieux lors des cérémonies appelées pûjâs.
La verveine, panacée miraculeuse
En Gaule, les bardes se couronnaient de verveine pour trouver l’inspiration de leurs chants divins et les ovates la buvaient avant de prédire l’avenir ou de jeter des sorts. On lui portait un tel respect qu’« avant de la cueillir, à reculons, il fallait réaliser un jeûne de trois jours, la toucher plusieurs fois, prier puis se livrer à une toilette méticuleuse », raconte le paysan herboriste Thierry Thévenin.