Dossier
Force et symbolique des végétaux sacrés (1/8)
Symboles sur terre de dieux puissants et inaccessibles, investies de pouvoirs mystérieux, les plantes sont depuis la nuit des temps les messagères des humains vers le monde immatériel, et vice versa. De l'achillée bénie chez les Celtes aux tagètes vénérées au Mexique en passant par l'iboga, le bois sacré du Gabon, partons à la découverte de ces végétaux qui nous relient à l'invisible.
Force et symbolique des végétaux sacrés
Symboles sur terre de dieux puissants et inaccessibles, investies de pouvoirs mystérieux, les plantes sont depuis la nuit des temps les messagères des humains vers le monde immatériel, et vice versa. De l'achillée bénie chez les Celtes aux tagètes vénérées au Mexique en passant par l'iboga, le bois sacré du Gabon, partons à la découverte de ces végétaux qui nous relient à l'invisible.
Pourquoi, depuis les cultes païens les plus archaïques, sommes-nous fascinés par les plantes au point de les considérer comme des émissaires divins ? Dans son ouvrage Les Plantes, les Hommes et les Dieux, Michèle Bilimoff, ancienne chercheuse au CNRS, rappelle que « lorsque les humains apparaissent sur terre, la végétation est là depuis des millénaires, omniprésente, vitale et mystérieuse ». Une nature toujours renaissante, qui semble tirer ses forces de mondes souterrains et célestes inaccessibles. Les hommes cherchent alors à décrypter les liens entre ces puissances occultes et les plantes indispensables à leur survie. Ils voient dans certaines un relais de ces divinités, qu’il faut honorer.
Dès lors, l’humanité va sacraliser ces plantes, au sein de rites très divers. L’ethnopharmacologue Geneviève Bourdy distingue celles présentes dans les cultes religieux – le lotus pour les bouddhistes, le lis blanc pour les catholiques – de celles utilisées dans les approches chamaniques des sociétés forestières. Ces peuples consomment des plantes qui,« en augmentant leur perception, permettent d’entrer en relation avec des entités de la nature autrement inaccessibles ». L’ethnobotaniste Jacques Fleurentin complète : « Il s’agit souvent de plantes psychotropes, dites enthéogènes car elles favorisent la communication avec le divin ». Les sphères spirituelles et thérapeutiques du végétal se mêlent alors étroitement au service de l’âme et du corps. Une double dimension présente aussi dans les cultes celtes avec les herbes sacrées tels l’achillée, le millepertuis, la verveine… « On veillait à ne pas souiller l’esprit des plantes en se purifiant avant de les récolter et en faisant des prières de conjuration », raconte le paysan-herboriste Thierry Thévenin.
La religion chrétienne a bien essayé d’abolir ces cultes païens. Mais l’Église, impuissante face à de telles croyances enracinées, s’est résolue à les tolérer tout en réinterprétant leur symbolique, comme ce fut le cas pour le houx ou la myrrhe. La relation sacrée aux plantes n’a finalement jamais disparu, même si elle s’est faite plus discrète en Occident entre les XVIIe et XXe siècles, pensée rationnelle oblige… Aujourd’hui, dans une société en quête de sens face à un monde très incertain et en pleine crise écologique, le besoin de connexion spirituelle avec le végétal refait surface. Comme l’énonce Thierry Thévenin, l’enjeu est de « renouer cette alliance sacrée, car le futur de la terre en dépend ». Alors partons à la découverte de ce lien subtil et spirituel tissé avec les plantes.
À lire
- Histoires et usages des plantes psychotropes, sous la direction de Sébastien Baud, éd. Imago.
- Le Chemin des herbes, par Thierry Thévenin, éd. Lucien Souny.
La myrrhe, des pharaons à Jésus
De l’Égypte à la religion catholique, la myrrhe symbolise à la fois l’amour et la mort. Son parfum résineux était distillé par les grands prêtres égyptiens pour montrer leur ferveur aux divinités et les apaiser, notamment le dieu Râ. Ses effluves capiteux s’élevaient également lors des rituels dédiés à l’amour tandis que sa résine était l’un des ingrédients précieux utilisés pour embaumer les défunts de haut rang. Une double symbolique que l’on retrouve dans les récits bibliques. Ainsi, dans le Cantique des cantiques : « Mon bien-aimé est un sachet de myrrhe, qui repose entre mes seins ». Elle accompagne aussi Jésus de sa naissance au tombeau. À l’enfant Jésus, les rois mages offrent en cadeau de la myrrhe, alors très rare et recherchée, pour signifier sa royauté. Lors de la descente au tombeau, son corps est enveloppé d’un linceul garni de myrrhe et d’aloès.