Dossier
À la rencontre des herboristes et de leurs savoirs (2/7)
Alors qu'il est question de lui redonner une reconnaissance officielle, le métier d'herboriste semble se réinventer. Nous avons parcouru les terroirs de l'Hexagone pour appréhender toutes ses nuances. Chaque herboriste nous a dévoilé ses valeurs, les spécificités de ses pratiques et surtout, les ressorts profonds de sa vocation. Le végétal n'a jamais été aussi inspirant !
© Nikola Nastasic
De l'Alsace à la Bourgogne et aux Hauts-de-France
Pérenniser la ferme médicinale du Kalblin, créée dans le Haut-Rhin par des pionniers de la biodynamie : un défi relevé par l'ex-pharmacien Arash Rouhani.
« L'aventure a commencé lorsque j'ai vu sur le site Terre de liens l'appel à candidatures pour reprendre la ferme du Kalblin, en Alsace. J'avais terminé mes études en herboristerie à Imderplam et je voulais depuis plusieurs années m'investir concrètement dans un projet. La ferme de la famille Wurtz, située en moyenne montagne, nous a littéralement conquis, ma femme et moi, avec cette terre et ces simples magnifiques de biodiversité, fruits de quarante ans de soins en biodynamie. Plus qu'une technique agricole, la biodynamie incarne une posture d'humilité vis-à-vis de la nature en cultivant selon le calendrier lunaire. Suivre le rythme de l'astre pour planter et récolter certaines parties, intervenir le moins possible, observer la réponse de chaque végétal aux étapes de cueillette, séchage et transformation : ce savoir-faire m'est enseigné au jour le jour par Marie-Claude et Serge Wurtz. À leur contact, je comprends que la moindre intervention, même le simple désherbage, impacte les plantes. Une transmission vivante de deux ans, plus précieuse que tous les cahiers de recettes. Cultiver de cette façon requiert beaucoup de travail et d'exigence afin de cueillir chaque plante au meilleur moment. J'ai appris aussi qu'il était préférable d'arroser seulement lors de la mise en terre, mais de laisser faire ensuite, car la plante génère des molécules aromatiques spécifiques pour survivre. C'est la biodynamie qui rend nos simples (aspérule, livèche, armoise…), nos tisanes et nos sirops de plantes si concentrés en principes actifs et si réputés auprès des connaisseurs. On trouve tous nos points de vente sur notre site internet et la visite du domaine est possible sur rendez-vous. Bientôt, nous espérons nous lancer également dans la gemmothérapie et les macérats huileux.»
Fréland (68) Fermedukalblin.fr
En 25 ans, la Calebasse verte s'est imposée comme une référence de l'herboristerie chinoise. Racines de buplèvre, atractylode, polypore versicolore… La boutique et le site proposent 300 plantes et...
champignons issus de la pharmacopée traditionnelle.
Pour sélectionner ses produits, Ruosi Wu, docteur en pharmacie et directeur du laboratoire de la Calebasse verte, arpente chaque année en Chine les marchés aux plantes médicinales. Il contrôle leur qualité avant de les proposer en boutique, en vrac ou sous forme de mélanges dosés selon les formules ancestrales de la pharmacopée chinoise. Le pharmacien mêle aussi tradition et modernité en élaborant ses propres compléments alimentaires. Au comptoir, Yuan, diplômée en MTC, dispense des conseils pour les maux quotidiens. Pour aller plus loin, on peut prendre rendez-vous en consultation avec le médecin traditionnel Shaohua Liu, l'âme et la créatrice de l'enseigne.
Paris (75) Calebasse.com
Dans le Brionnais, Catherine Castille partage depuis vingt ans son expérience de paysanne herboriste.
P&S Vous avez participé à la création de la Fédération des paysans herboristes, vous êtes active à l'association Simples, pourquoi un tel engagement ?
Catherine Castille Le mot même d'herboriste a quasi disparu alors que la relation aux plantes médicinales et au terroir s'avère essentielle. Il faut sauvegarder ce métier de paysan herboriste. Quand j'ai commencé, en 1999, les gens considéraient le plantain et le sureau comme des plantes toxiques. Je leur ai appris à connaître leurs vertus, et à ne pas leur nuire.
P&S Qu'apprend-on dans vos stages d'herboristerie familiale ?
C. C. On découvre les plantes par le geste. J'en choisis une douzaine pour savoir reconnaître chacune, la toucher, la sécher puis la transformer en baume, sirop, teinture-mère ou tisane. Je montre comment se faire une petite pharmacie naturelle en utilisant une casserole au bain-marie, du soleil et des bocaux. Mes stagiaires sont plus autonomes pour soigner les bobos familiaux.
P&S Quelle mission portent les paysans herboristes aujourd'hui ?
C. C. Il faut transmettre le message de préservation des ressources de la terre. De fait, très peu de plantes suffisent pour réaliser des remèdes médicinaux quotidiens. Prélevons en ayant conscience que les plantes soignent notre santé, mais aussi les sols. Cette éthique est celle du laboratoire Herbiolys que nous avons créé.
Saint-Julien-de-Jonzy (71) Plaisirssimples.fr
Herbaliste et naturopathe en Moselle, Séverine Breuvart fait découvrir tout l'été l'utilisation des médicinales au temps des druides.
Formée à l'Association pour le renouveau de l'herboristerie, Séverine Breuvart connaît bien les plantes de son terroir du Saulnois : l'aubépine, le sureau, le millepertuis… Des simples dont elle partage l'histoire et les usages médicinaux pratiques lors de sorties ateliers d'initiation : « Je fais le lien avec la médecine celte qui recourait aux plantes médicinales sur les plans curatif, spirituel et même magique ! Tel le millepertuis, actif sur les brûlures, la mélancolie de l'âme et protecteur des foyers lors de la fête celte de Litha, au solstice d'été ». Séverine conseille aussi ses soins naturels en consultation de phytothérapie et sur les marchés lors de la vente de ses tisanes, issues de cueillettes sauvages.
Fresnes-en-Saulnois (57) Tisanesdusaulnois.com
Gaëlle Péchot, formée aux plantes à parfums, aromatiques et médicinales, aux fleurs de Bach et à la distillation alchimique, a créé sa ferme de soins bien-être en Bourgogne.
« Je suis mon intuition pour choisir où mettre en terre chaque plante. J'ai créé plusieurs jardins mandalas, car cela donne plus d'énergie et de santé aux végétaux. L'un d'eux est consacré aux plantes féminines, achillée, coquelicot, bourrache, avec en son centre un quartz rose, pierre de l'amour inconditionnel. Je me mets sensoriellement à l'écoute des plantes, faculté que je développe avec une herboriste américaine. Lorsque je cueille des fleurs, herbes ou rameaux, je demande au végétal de me donner des informations : quelle partie sera la meilleure et comment l'extraire pour bénéficier au mieux de ses propriétés. Je prépare des élixirs floraux, mais aussi spagyriques selon les lois alchimiques. Certaines parties de la consoude, par exemple, seront à la fois macérées dans l'alcool, distillées et calcinées et ces diverses extractions seront concentrées pour fabriquer un élixir. Incorporé à des cosmétiques, il agit autant en réparateur cutané que, sur un plan vibratoire, pour préserver nos protections internes. Mélangés à mes produits, ces élixirs apaisent la peau et la sphère émotionnelle ».
Saillenard (71) Alorscapousse.com