Dossier
À la rencontre des herboristes et de leurs savoirs (5/7)
Alors qu'il est question de lui redonner une reconnaissance officielle, le métier d'herboriste semble se réinventer. Nous avons parcouru les terroirs de l'Hexagone pour appréhender toutes ses nuances. Chaque herboriste nous a dévoilé ses valeurs, les spécificités de ses pratiques et surtout, les ressorts profonds de sa vocation. Le végétal n'a jamais été aussi inspirant !
De l'Occitanie à la Nouvelle-Aquitaine
P&S Exercez-vous différemment votre métier par rapport à votre grand-père ?
Paul Sammut Ici, on me surnomme le Panoramix des temps modernes. Je suis un herboriste très accessible et connecté. Je tente de dépoussiérer la profession en étant présent sur les réseaux sociaux ou YouTube afin de diffuser et vulgariser des savoirs autour des plantes, notamment en lien avec l'histoire locale. J'ai par exemple créé avec le musée de la Romanité une gamme de tisanes nîmoises bio, « Antiq&tea », qui reprennent des noms de sites ou personnages historiques locaux comme le pont du Gard ou l'empereur Auguste. Elles contiennent des plantes utilisées par les Romains. La Gladiateur, qui contient de l'oranger bigaradier, de l'orange amère et de la matricaire, est idéale pour être plus zen, tel un gladiateur devant le public des arènes.
P&S Vous proposez également des gouttes, de quoi s'agit-il ?
P. S. Il s'agit d'un mélange de plantes fraîches préparé à l'officine, à base d'extraits de plantes standardisés pour le sommeil, l'immunité et tous les maux quotidiens. Je l'ai créé pour mes clients masculins qui n'aiment pas le format tisane. Depuis, la gamme s'est étoffée, avec par exemple des gouttes pour les règles douloureuses. De manière générale, j'invite mes clients, à me faire part de leurs besoins.
Nîmes (30) Herboristeriedu docteursammut.com
Petit-fils d'une herboriste portugaise, Jorge Da Rocha considère que chaque plante a son propre texte de loi. Au-delà des connaissances que beaucoup ont des végétaux, il remarque que ses clients en font souvent un usage barbare. Pour lui, submerger une plante séchée d'eau bouillante est un sacrilège : « L'eau bouillante n'est bonne ni...
pour la plante ni pour notre gorge. Une eau légèrement frémissante suffit. » Il explique également que le radis noir n'est un ami du foie que si vous en consommez la peau en décoction avant d'en manger le cœur, ou encore à quel point il est important durant une détox de coupler ces végétaux à des « locomotives » comme la reine-des-prés, qui vont aider à mieux assimiler. Ses fines connaissances en font un professionnel prisé par des médecins locaux qui lui demandent des préparations spéciales pour leurs patients ou lui adressent certains cas compliqués. Estimant qu'il vaut mieux consommer des plantes de l'endroit où l'on réside, Jorge a un réseau de cueilleurs et producteurs qui suivent les instructions issues de son héritage ibérique.
Saint-Pierre-la-Mer (11) Anciennehistoire.com
« Je cultive en permaculture et biodynamie dans mon jardin-forêt. Mes plantes médicinales, tisanes elfiques, baumes, élixirs floraux et teintures-mères sont transformés à la ferme selon des principes énergétiques comme la solarisation. Mes clients peuvent me demander conseil puis venir chercher leur préparation à la ferme ou via un groupement de producteurs dont je fais partie. Mon petit côté sorcière et mes lointaines origines amérindiennes me poussent à me relier à cette sagesse naturelle qui me permet d'élaborer mes produits de manière que l'énergie de la plante concorde avec celle de la personne, au-delà d'un savoir “académique”. »
Savenès (82) le.jardin.des.shamans@gmail.com
« Issu d'une famille de petits paysans, j'ai commencé mon jardin botanique à 18 ans, sur un lopin de terre prêté par ma grand-mère, tout en étudiant la biologie et l'écologie. Mais je voulais aller plus loin et creuser l'utilité des plantes. Ma démarche est quasi messianique : je suis convaincu que les plantes peuvent nous aider à survivre. Je m'intéresse notamment à leur valeur nutritive et à leur rôle vis-à-vis des maladies car en cas d'effondrement de nos sociétés modernes, elles seront précieuses. J'ai également étudié l'ethnopharmacologie et la naturopathie et beaucoup voyagé, ce qui m'a ouvert à d'autres pratiques traditionnelles comme celle de l'ayurveda ou de certains peuples africains. Au Sénégal, j'ai appris à cueillir en brousse avec un marabout local. J'ai adapté en version pyrénéenne le célèbre “chyawanprash” des hindous, une sorte de confiture aux plantes médicinales qui se consomme comme fortifiant en complément alimentaire. Mon chyawanprash contient de la myrtille, du sureau et du cynorrhodon et permet de nettoyer la sphère sanguine, de drainer les reins et d'apporter de la vivacité. »
Arrayou-Lahitte (65) Herboratheque.fr
« Monsieur Larmignat, qui a donné son nom à mon herboristerie, était titulaire du diplôme d'herboriste, qui fut délivré jusqu'en 1941. J'ai rajeuni la clientèle et aujourd'hui, beaucoup de familles et d'étudiants font partie de mes clients et m'inspirent par leurs demandes, notamment via l'usage de plantes provenant de traditions du monde entier. Nous sommes une des rares herboristeries à fabriquer nous-mêmes nos gélules, et surtout au plus près de la plante et de son totum, sans conservateurs ni colorant, ainsi qu'une gamme monoplantes sous forme de grosses gélules très fortement dosées pour obtenir un effet thérapeutique et pas juste physiologique. Désormais, nous proposons quelque 200 compléments alimentaires différents avec des grands classiques minceur, douleur, stress ou sommeil et des mélanges spécifiques pour le côlon irritable ou les douleurs arthrosiques. J'ai une vision éthique de mon métier, je suis très attaché au conseil et j'ai pour principe de ne pas « vendre pour vendre ».
Châtellerault (86) Herboristerie-larmignat.fr