Dossier
À la rencontre des herboristes et de leurs savoirs (4/7)
Alors qu'il est question de lui redonner une reconnaissance officielle, le métier d'herboriste semble se réinventer. Nous avons parcouru les terroirs de l'Hexagone pour appréhender toutes ses nuances. Chaque herboriste nous a dévoilé ses valeurs, les spécificités de ses pratiques et surtout, les ressorts profonds de sa vocation. Le végétal n'a jamais été aussi inspirant !
De la Bretagne aux Pays de la Loire
Dans leur ferme du Perche, Sébastien Baumgarten et Magalie Dupont cultivent, cueillent et transforment une quarantaine de plantes médicinales sur près de 2 000 m2.
Ces paysans herboristes ont à cœur de maintenir la biodiversité sur leurs terres du Perche. Après une formation en production de plantes aromatiques et médicinales au CFPPA de Montmorot pour Sébastien et un diplôme d'herbaliste de l'École lyonnaise de plantes médicinales pour Magalie, le couple décide d'acheter une ancienne petite ferme. Depuis six ans, ils y cultivent une quarantaine de médicinales, achillée millefeuille, plantain, grande camomille ou encore thym et capucine. Leur dada ? L'agroécologie. Sur leur terrain, pas question de trop travailler le sol. Ils observent, paillent toute l'année et n'arrosent que lorsque le ciel se montre capricieux. Les plantes sont ainsi au plus près de leur condition de vie, à l'état sauvage. Ensuite, ils les transforment eux-mêmes en huiles de soin pour le corps, baumes, sirops, alcoolatures, hydrolats… Magalie dispense également des stages à la ferme, visant à faire découvrir l'univers des plantes médicinales au plus grand nombre, et rendre ses stagiaires plus acteurs de leur santé. Ce qu'ils préfèrent dans leur métier ? La diversité ! Pouvoir être au champ, les mains dans la terre, puis au contact des gens lors de la vente et des stages, à l'atelier, enfin, pour transformer leurs cultures…
Vaupillon (28) Jardinsolstice.com
Des soins pour retrouver l’équilibre corps-esprit
Dans le Finistère, Marianne Plater, herboriste formée en médecine indienne, pratique des soins ayurvédiques visant une harmonie du corps et de l’esprit. Massages aux plantes, conseils en fleurs de Bach, tisanes sur mesure… Elle cible autant les tensions physiques que les blocages émotionnels.
Après avoir étudié l’ayurvéda en Inde et obtenu son diplôme au sein de l’École bretonne d’herboristerie, cette ancienne hydrothérapeute en thalasso reçoit dans son espace de soins qui donne sur son jardin de Plounévez-Lochrist. « L’objectif de mon travail de thérapeute en soins ayurvédiques et d’herboriste est de prendre en compte la personne dans sa globalité afin qu’elle retrouve un mieuxêtre durable. » Pour ses soins ayurvédiques, Marianne Plater réalise elle-même ses tampons de massage en mélangeant plantes...
bretonnes et ayurvédiques. « J’aime la lavande, la mélisse ou encore la verveine pour un effet relaxant, puis j’ajoute des poudres de rose, de tulsi ou de fénugrec. » En fin de consultation, chaque patient repart avec sa propre tisane créée sur mesure.
Plounévez-Lochrist (29) Herbioveda.com
Poussez la porte de l'épicerie-herboristerie d'Auriella Mabire, au cœur de la forêt de Brocéliande. Elle y concocte des tisanes enchanteresses et propose à la vente toutes sortes de plantes qu'elle envisage comme ses compagnes du quotidien.
P&S Comment êtes-vous devenue herboriste ici ?
Auriella Mabire J'ai grandi en région parisienne. À l'âge de 10 ans, j'ai été fascinée par un documentaire sur la forêt de Brocéliande. Je me suis imaginé y travailler dans une cabane, au milieu de plantes enchanteresses. Je crois que l'enchantement, c'est la clé de la vocation ! C'est ce ressenti qui m'a donné envie d'être herboriste. Après mon bac, j'ai rencontré des guérisseurs en Amazonie, réalisé des stages de cueillette sauvage, de permaculture, avant d'entrer à l'École des plantes de Paris. Au même moment, une épicerie se vendait à Brocéliande. J'ai foncé ! Puis j'y ai créé une herboristerie, avec de vrais meubles d'apothicaires.
P&S Vous vendez des plantes communes, et d'autres plus rares…
A. M. Je les choisis en fonction de la demande des naturopathes avec qui je travaille… Certaines sortent de l'ordinaire, comme l'eupatoire chanvrine, aux vertus drainantes, l'acore odorant, bon pour la digestion, le sideritis, qui remonte le taux de fer des anémiques, ou encore le calament nepeta, un stimulant général. Je les regarde, les touche, les goûte, j'apprends à les connaître.
P&S Y a-t-il un rituel que vous aimez pratiquer ?
A. M. Lorsque j'ai besoin de me débarrasser de pensées parasites ou relations toxiques, je tire sur la fine écorce du tronc d'un bouleau, puis je la brûle dans une coupelle en visualisant que je me libère de ce dont je n'ai plus besoin. Il m'arrive aussi de chanter quand je prépare mes tisanes. Ce sont des louanges divines pour appeler à l'efficacité des plantes, et les remercier.
Paimpont (35) Herboristerie-broceliande.com
Claire Bonnet raconte, depuis plus de vingt ans, les usages anciens et le symbolisme des plantes.
Petite, Claire Bonnet parcourait les champs avec son père. Une sensibilisation à la nature qui résonne à l'aube de ses 35 ans, et la décide à se former en herboristerie à l'École des plantes de Paris. Elle enchaîne avec la phytothérapie anthroposophique. Cette approche prend en compte la forme d'une plante, sa période de floraison, le climat et la terre dans lesquels elle s'épanouit, puis trouve des correspondances avec le corps humain ou des problématiques de santé. « Quand je pense au plantain majeur présent sur les chemins piétinés, j'entrevois qu'il soigne la “plante” des pieds, aide à capter l'énergie de la terre et invite à nous ancrer. » Claire Bonnet transmet cette lecture du végétal à travers des conférences, des sorties sur le terrain, des ateliers de création de remèdes, des formations ou encore l'écriture d'ouvrages (La Signature des plantes, éd. Courrier du livre). « Je raconte à mes élèves, sous forme d'histoires, les usages anciens des plantes, leurs vertus, leur symbolisme, les rituels à pratiquer avec elles. »
Bains-sur-Oust (35)
Dans leur ferme normande, Sandra Vionnet et Louis Thouret cultivent, distillent et transforment une grande variété de médicinales. L'apaisante camomille romaine est leur préférée.
« Lors d'un voyage en Inde et en Indonésie, j'ai découvert les plantes médicinales dans des espaces qui n'étaient pas dénaturés par l'homme. J'ai alors eu le déclic de m'installer sur ma terre natale pour y développer une agriculture utile pour la santé et respectueuse de l'environnement. Une fois passé mon brevet professionnel, suivi de plusieurs stages auprès de distillateurs dans la Drôme, j'ai investi dans cette maison. Le climat océanique permet une grande diversité de cultures (une vingtaine de médicinales) et un système d'irrigation naturel. J'en distille quatorze. Il faut du bon matériel pour des huiles essentielles de qualité : une chaudière basse pression et deux alambics en inox 316. Mais d'autres paramètres comme la qualité du sol où pousse la plante, l'ensoleillement, la récolte, les conditions de séchage sont très importants. Sandra s'occupe quant à elle de transformer les eaux florales en sirops, l'ail des ours en pesto, ou encore la camomille en baume apaisant… Après quatre ans, on ne prend pas beaucoup de vacances, on se sent fatigué physiquement, mais mentalement on est trop bien ! »
Tessy-Bocage (50) Fermedelours.fr