Dossier
À la rencontre des herboristes et de leurs savoirs (3/7)
Alors qu'il est question de lui redonner une reconnaissance officielle, le métier d'herboriste semble se réinventer. Nous avons parcouru les terroirs de l'Hexagone pour appréhender toutes ses nuances. Chaque herboriste nous a dévoilé ses valeurs, les spécificités de ses pratiques et surtout, les ressorts profonds de sa vocation. Le végétal n'a jamais été aussi inspirant !
De la Côte d'Azur à la région Rhône-Alpes
C'est à Marseille que Clarisse Le bas a pris ses quartiers, elle y délivre des ateliers ainsi que ces bouquets médicinaux au parfum d'histoire.
P&S Historienne d'art, comment vous êtes-vous intéressée au végétal ?
Clarisse Le Bas Tout a commencé pendant mes études, quand j'ai dû travailler sur les paysagistes des jardins italiens de la Renaissance. J'ai alors noué un lien puissant avec les plantes, que j'ai par la suite nourri en m'amusant à les reconnaître dans les tableaux que j'étudiais. Je m'intéressais à leur symbolique, leurs légendes et les rituels qui les entouraient.
P&S Pourquoi avoir finalement choisi le métier d'herboriste ?
C. L. B. L'histoire des plantes découle souvent des vertus médicinales que nos ancêtres pressentaient. Cette relation entre culture (végétale) et culture (humaine) m'a fascinée. Je me souviens de ce moment particulier où j'ai découvert les fresques de la villa Livia, à Rome. Quelle émotion de reconnaître tous ces végétaux peints il y a 2 000 ans ! Le laurier, l'arbousier, le myrte, la rose ou la matricaire… Les redécouvrir ainsi que leurs bienfaits m'a fait l'effet d'un véritable voyage dans le temps, que j'ai voulu partager avec les autres. Et le métier d'herboriste, c'est aussi ça : un pont.
P&S Parmi les plantes citées, pouvez-vous nous conter la symbolique liée à l'une d'elles ?
C. L. B. Je peux vous parler de la rose, liée dans la mythologie à Aphrodite, mais aussi du myrte derrière lequel elle se serait cachée, dénudée, pour se protéger. Ainsi, dans l'Antiquité, le myrte en poudre chauffé dans de l'huile puis mêlé à de la cire était appliqué comme vulnéraire. Cet onguent est encore utilisé aujourd'hui pour traiter l'acné et les peaux fatiguées.
Marseille (13) Lesvraiesrichesses.com
nstallée dans le sud du Beaujolais, Séverine Faudon s'est ouverte aux plantes grâce à la maternité. Mais ses ateliers santé ne s'adressent pas seulement aux mamans !
« Mes grossesses m'ont beaucoup rapprochée de la nature. J'ai voulu traverser cette étape de ma vie en communion avec elle, et offrir à mes enfants ses bienfaits. J'ai suivi une formation sur les médicinales en me spécialisant dans les plantes répondant aux problématiques des mamans en période pré et postnatale, mais aussi à celles des nourrissons. Je me suis tournée vers l'hydrolathérapie. J'aime d'ailleurs comparer la...
rose calmante, l'immortelle cicatrisante et toutes ces fleurs que je manipule, à de petites fées qui se penchent sur le berceau de nos chérubins pour leur délivrer des pouvoirs salvateurs. »
Chessy-les-Mines (69) Chouettesateliers.com
De ses voyages, Amaya Calvo Valderrama a rapporté une passion pour les médicinales, mais aussi l'envie d'inventer et de transmettre. C'est le sens de son projet Happy Plantes.
P&S Quel a été votre premier contact avec le monde de l'herboristerie ?
Amaya Calvo Valderrama Dans le cadre de mes études d'ingénieur en agronomie, j'ai réalisé en 2008 un stage en République dominicaine. J'y suis tombée malade, et ce sont des guérisseurs et herboristes locaux qui ont réussi à me soulager. Ce fut une véritable révélation ! Cette initiation m'a poussée à me spécialiser dans les plantes médicinales. J'ai appris, des années après, que j'étais atteinte d'endométriose.
P&S Après votre découverte des plantes médicinales, vous êtes rentrée en France ?
A. C. V. J'ai d'abord terminé mes études en menant d'autres stages, notamment dans les piémonts de l'Himalaya où j'ai pu découvrir les propriétés médicinales du thé, mais aussi à Cuba, pour travailler avec l'Unesco. À mon retour en France, j'ai gardé cette bougeotte, ce besoin de rencontrer les autres et de partager. En montant le projet Happy Plantes, nous avons, mon mari et moi, parcouru la France en van, pour rencontrer les agriculteurs et nos futurs fournisseurs, mais aussi pour partager notre expérience d'agronomes spécialisés.
P&S Qu'est-ce que Happy Plantes aujourd'hui ?
A. C. V. Bien plus qu'une boutique de plantes médicinales, c'est un lieu d'échange et de création. L'équipe élabore des tisanes sur mesure pour les particuliers comme pour les laboratoires. Mais la transmission me tient à cœur, c'est pour cela que nous organisons des stages d'initiation et que je me consacre aujourd'hui à l'écriture de livres sur le végétal et la santé.
Stéphane Rossi, docteur en pharmacie, se définit lui-même comme un créateur de potions. Émerveillé depuis sa plus tendre enfance par « l'espèce de magie » qui entoure selon lui le monde végétal, il décide de quitter son travail de pharmacien pour ouvrir à Grenoble, en 2002, son herboristerie baptisée « Au temps des fées ». En pharmacie, « les préparations de plantes sont devenues presque industrielles, explique-t-il. Tout était en poudre, sans goût ». Aujourd'hui, il élabore lui-même ses gammes de tisanes, mais également des préparations personnalisées pour ses patients. « Les métiers d'herboriste et de pharmacien sont complémentaires, ce dernier n'est même que l'évolution de l'autre ». En outre, ce fin gourmet, membre du Collège culinaire de France, estime qu'il est primordial de joindre l'utile à l'agréable. « Pour moi, le goût fait partie du processus médicinal. Si je n'apprécie pas la préparation au niveau gustatif, mon corps y sera forcément moins réceptif. »
Grenoble (38) Herboristerie-grenoble.com
Herboriste et poétesse, Marine Lafon conçoit son approche du végétal comme un processus holistique.
Aucun aspect de la plante médicinale ne doit être laissé de côté. Ainsi, la symbolique, l'énergie, mais aussi la communication avec la flore sont essentielles pour faire corps avec elle. Marine Lafon nous conseille même d'apprendre à méditer lors des cueillettes et balades afin de communier avec les plantes grâce à nos sens. « Il faut d'abord bien s'installer et observer le végétal attentivement, distinguer les potentiels pétales, le duvet de la tige, les irrégularités des feuilles. Puis le toucher délicatement afin de sentir les différentes textures et les vibrations de la plante. Et enfin, la goûter — si elle n'est pas toxique ». Si pour l'herboriste la plante est d'abord en contact avec la terre, puis avec nous, elle l'est aussi avec les astres, rejoignant ainsi les principes du biodynamisme, mais aussi de l'astrophytothérapie. « Le millepertuis, par exemple, augmente notre réceptivité au rayonnement solaire et la capacité de notre être à absorber la lumière. Il laisse passer celle-ci dans notre psyché et fortifie notre soleil intérieur. Son alcoolature [teinture-mère, ndlr] est d'ailleurs reconnue pour son action antidépressive. Je le relie donc au signe du Lion, gouverné par le soleil du mois d'août. »
(uniquement sur Internet) Lacueilleusesauvage.com