Dossier
Un nouveau regard sur les invasives (4/7)
Elles viennent d'ailleurs et dérangent notre conception de la biodiversité. Les plantes dites invasives prospèrent là où elles ne sont pas invitées et sont rebelles aux tentatives d'éradication. Une vitalité que l'on accuse de nuire aux plantes autochtones, à l'agriculture et même à la santé pour certaines. Et si, au lieu de les traiter en ennemies, on écoutait ce qu'elles ont à nous dire sur notre monde ?
L'ambroisie, une indicatrice de pollution
Sa photo est placardée sur les sites d’une cinquantaine de départements avec injonction préfectorale de l’éradiquer dès son apparition. Il est interdit d’en détenir ou d’en vendre sous peine d’amende. Son arrivée en France remonte aux années 1860, quand nous avons importé des semences de blé et de trèfle violet des États-Unis, avec comme passagères clandestines des graines d’ambroisie. Sa prolifération a été très rapide dans toute l’Europe. En 2020, selon l’Anses, deux variétés d’ambroisie dominent : l’ambroisie à feuilles d’armoise (Ambrosia artemisiifolia) ainsi que l’ambroisie trifide (Ambrosia trifida). Selon l’agence de santé, « entre 1,7 et 5,4 % de la population » serait devenue allergique à ses pollens.
La lutte contre cette adventice s’organise notamment via le réseau Fredon, mais avec des succès limités. Sa référente santé-environnement, Marilou Mottet, explique : « Il est difficile d’éradiquer les ambroisies dans des zones fortement envahies, chaque plant pouvant produire 3 000 graines. Mais nous pouvons limiter leur prolifération et leur pouvoir allergisant. Notre observatoire a des coordinateurs ambroisie dans chaque région. » Elle conseille de faucher ou d’arracher la plante avant la grenaison, en la laissant sur place. Fredon incite aussi à semer un couvert végétal sur les terrains vagues pour éviter que l’ambroisie ne se répande.
Se protéger des allergies avec l'homéopathie
Le pollen de l’ambroisie étant très allergisant, voici le protocole homéopathique que préconisait la pharmacienne Danièle Festy.
Le traitement de fond antiallergique : Prendre Poumon histamine en 9 CH ou 15 CH, 3 granules plusieurs fois par jour, et poursuivre le traitement aussi longtemps que nécessaire. Selon les symptômes, on peut accompagner ce traitement des médicaments suivants :
- Si le palais démange : Sabadilla 5 CH
- Si le nez coule comme une fontaine : Allium cepa 5 CH
- Si on ressent des picotements et un gonflement : Apis mellifica 5 CH
- Si les yeux démangent et pleurent : Euphrasia 5 CH
Posologie : 5 granules, 3 fois par jour pour ces médications.
Pour prévenir les symptômes, souvent agressifs avec l’ambroisie, on peut badigeonner ses muqueuses nasales avec la pommade Homéoplasmine de Boiron à base de souci des jardins, mais aussi de teinture-mère de phytolaque, l’autre nom du raisin d’Amérique. Une noisette dans chaque narine avant de sortir, pour faire barrière aux allergènes.
Or, selon le paysan herboriste Thierry Thévenin, elle « a été favorisée par l’agriculture intensive avec l’usage massif de désherbants qui éliminent presque toutes les espèces adventices autochtones », précise-t-il. Il est plus facile selon lui de « déclarer la guerre à l’ambroisie » que de s’attaquer au lobby agricole qui craint des pertes de rendement. Par ailleurs, la faculté de médecine de Dijon indique que les effets allergènes de son pollen, entre mi-août et octobre, semblent être majorés par la pollution de l’air. Monoxyde de carbone, ozone et dioxyde d’azote irritent l’appareil respiratoire et favorisent l’allergie et l’inflammation. L’ambroisie nous alerterait donc sur un air pollué et un sol très altéré.
Aurait-elle de bons côtés cachés, des bénéfices pour la santé ? On sait que l’ambroisie à feuilles d’armoise était très utilisée par les Amérindiens pour soigner divers maux : éruptions cutanées, rhumatismes, diarrhées, fièvre ou pneumonie. Une récente étude démontre en effet une activité antimicrobienne de cette plante, dont le potentiel thérapeutique reste à explorer.
Des vertus inattendues
Si l’ambroisie est si allergène, c’est entre autres à cause de l’activité de ses lactones sesquiterpéniques. Mais des chercheurs universitaires italiens et hollandais viennent de découvrir que l’une de ces molécules, l’isabéline, révélait une forte activité antimicrobienne contre d’importants pathogènes humains : le staphylocoque doré et le Candida albicans. Ils en concluent que « les espèces végétales envahissantes peuvent être explorées pour combattre les pathogènes multirésistants qui se développent ».