Dossier
Un nouveau regard sur les invasives (2/7)
Elles viennent d'ailleurs et dérangent notre conception de la biodiversité. Les plantes dites invasives prospèrent là où elles ne sont pas invitées et sont rebelles aux tentatives d'éradication. Une vitalité que l'on accuse de nuire aux plantes autochtones, à l'agriculture et même à la santé pour certaines. Et si, au lieu de les traiter en ennemies, on écoutait ce qu'elles ont à nous dire sur notre monde ?
Le datura, sur les traces du glyphosate
Le datura (Datura stramonium), appelé aussi herbe du diable ou trompette des anges, véhicule une réputation sulfureuse depuis son arrivée en Europe via l’Espagne, au XVIe siècle. Il s’épanouit dans les « friches, décombres, parcelles d’épandage des stations d’épuration et les cultures sarclées comme les légumes de plein champ, le maïs, le tournesol, les betteraves, les vignes », décrit l’herboriste Thierry Thévenin. Cette solanacée envahit notamment depuis une quarantaine d’années certaines cultures – ce qui inquiète le monde agricole, car la plante résiste à presque tous les herbicides. Pas étonnant, selon le botaniste Gérard Ducerf, qui a analysé le datura avec le CNRS de Montpellier : « On a vu que le datura indiquait la présence d’arsenic dans le sol suite à des pollutions aux hydrocarbures et à des herbicides de type glyphosate ». Aussi, l’agriculture bio, accusée de la laisser abonder puisqu’elle n’utilise pas de pesticides, ne serait pas responsable de sa prolifération. En réalité, cette plante pointe surtout le mauvais état d’un sol fragilisé. Si l’image du datura est aussi sulfureuse, c’est parce qu’il contient des alcaloïdes toxiques (hyoscyamine, atropine et scopolamine), aux propriétés très hallucinogènes. Mais saviez-vous que jusque dans les années 1990, on vendait en pharmacie les cigarettes Louis Legras, à base de datura, pour soulager l’asthme ? Ses propriétés, notamment bronchodilatatoires et antinévralgiques, sont avérées, même si elles ne peuvent s’envisager que dans un contexte médical.
Peut-on les mettre au compost ?
La plupart des invasives ont leur place au compost, confirme le botaniste Gérard Ducerf. À condition de prendre quelques précautions. Par exemple, il faut se limiter à la partie aérienne sèche de la renouée, car elle peut repartir d’un tout petit bout de végétal. Elle va enrichir le compost en carbone. Le datura y sera ajouté après avoir été prélevé avec des gants (voire avec un masque, si on a l’habitude de porter ses mains au visage). Ses alcaloïdes deviennent des nitrates lorsqu’on les composte, ce qui est bon pour la vie du sol. Le raisin d’Amérique fait un bon paillage car sa tige est enrichie en azote et potasse. Pour la berce du Caucase, le jardinier écrivain Gilles Clément conseille de couper la hampe florale quand les graines ne sont pas encore mûres. Il est aussi possible de composter la jussie, qui est valorisée comme engrais dans certaines régions comme les Pays de la Loire.