Dossier
Carencé, moi ? Jamais! (5/5)
Un manque de fer, magnésium, vitamine C... et nous voici soudain fatigués, stressés ou en panne d’énergie. Quel rôle jouent les vitamines, oligoéléments et sels minéraux indispensables à notre équilibre? Comment éviter les carences? Ce dossier vous donne des pistes pour optimiser vos réserves nutritionnelles grâce à l’alimentation, aux végétaux et à une supplémentation bien dosée.
Optimiser ses apports jour après jour
Rien ne vaut une assiette bien équilibrée en produits variés et frais pour faire le plein de vitamines et minéraux. Leur assimilation est alors optimale, car on bénéficie de l’effet « matrice » des aliments : les différents composants interagissent entre eux pour favoriser leur absorption, ce qui n’est pas le cas dans une gélule, selon Anthony Fardet, chercheur à l’Inserm. « Prenez le magnésium des amandes par exemple : il sera toujours mieux assimilé par le corps que sous forme de complément, car sa disponibilité est améliorée par les fibres et les glucides présents dans l’aliment », illustre le diététicien nutritionniste Raphaël Gruman.
Mais même si on soigne son alimentation – riche en fruits et légumes, en céréales complètes, légumineuses, viandes, poissons, crustacés et produits laitiers –, il faut également tenir compte du fait que les vitamines et minéraux sont fragiles. Si on laisse traîner ses fruits et légumes trop longtemps avant de les manger, la perte est conséquente. Le diététicien conseille donc de les consommer le plus rapidement possible après l’achat. Ou d’opter pour le surgelé. « Congelés dès après la cueillette, les fruits et légumes ne subissent pratiquement aucune déperdition de micronutriments liée au transport et au stockage », précise-t-il. Les modes de cuisson sont également importants. Une cuisson longue et/ou dans un grand volume d’eau détruit en effet la plupart des vitamines et minéraux. « Pour préserver le potassium des pommes de terre par exemple, mieux vaut les cuire entières à la vapeur plutôt qu’épluchées et découpées en morceaux dans de l’eau. Une viande rouge saignante est plus riche en fer qu’une viande cuite à point car la cuisson prolongée rend le fer moins biodisponible… », selon notre expert. Enfin, certaines associations s’avèrent gagnantes. C’est le cas des aliments riches en fer et de ceux apportant de la vitamine C, qui potentialise l’assimilation du fer. « Ajouter des grains de grenade ou du persil sur sa salade de lentilles est un très bon réflexe. Une telle association est d’autant plus intéressante que le fer non héminique des végétaux est moins bien absorbé par l’organisme », conseille-t-il.
La vitamine C : naturelle ou liposomale ?
La vitamine C, aussi indispensable soit-elle, n’est pas stockée par l’organisme car elle est hydrosoluble. L’apport doit donc être quotidien, la forme de vitamine C la plus biodisponible restant celle apportée...
par les aliments car elle est alors entourée de flavonoïdes. Les petites baies telles que cassis, goji, cynorrhodon, camu-camu ou acérola sont recommandées. « En matière de complémentation, la vitamine C liposomale représente un certain progrès, qui augmenterait d’environ 25 % le taux de vitamine C circulant dans le sang », note le Dr Curtay. Le liposome est constitué de glycérophospholipides ayant une structure très proche de la membrane cellulaire, ce qui faciliterait la pénétration de la vitamine C au cœur des cellules. D’une façon générale, préférez les gélules de vitamine C plutôt que les formes à croquer, très acides et qui fragilisent l’émail des dents.
Une vitamine D issue du lichen boréal
Les lichens du genre Cladonia sp. (famille des Cladoniaceae) natifs d’Islande, du Canada ou encore d’Irlande, sont les seuls végétaux connus à ce jour capables de produire de la vitamine D3 (cholécalciférol). Cette synthèse s’explique par leur symbiose unique entre une algue microscopique et un champignon filamenteux. Très riches en glucides, ils sont aussi la nourriture privilégiée des rennes. Ces lichens constituent une alternative vegan à la vitamine D3 extraite de l’huile de foie de morue ou de la lanoline. La vitamine D2 (ergocalciférol), présente en petites quantités dans les champignons et céréales, est pour sa part moins bien assimilée que la D3.
Mais de telles précautions ne suffisent pas toujours. En effet, la perte en nutriments de nos fruits et légumes est de plus en plus souvent pointée du doigt – en témoignent les nombreuses carences mises en évidence –, ce qui nous oblige à nous tourner vers la complémentation. Celle-ci est même quasi inévitable pour la vitamine D et le magnésium, estiment les experts, qui conseillent de l’envisager au long cours. « Les sources alimentaires de vitamine D sont limitées et l’exposition solaire n’assure pas une synthèse suffisante, surtout si l’on vit dans le nord de la France. Quant au magnésium, les besoins sont tels que les apports alimentaires ne les comblent pas », estime Raphaël Gruman. Pour la vitamine D, il est donc recommandé de se supplémenter pendant six mois, d’octobre à mars. Mais au‑delà de 60 ans, la peau s’affine et synthétise moins bien cette vitamine. Selon le Dr Curtay, une supplémentation de huit mois s’avère alors indispensable. Les ampoules très dosées remboursées par la Sécurité sociale permettent de remonter le niveau en cas de forte carence, mais leur assimilation fatigue le foie. Mieux vaut donc opter pour une supplémentation moins dosée mais plus régulière, soit journalière soit hebdomadaire si la prise quotidienne paraît trop contraignante. Pour une meilleure assimilation, la vitamine D doit être prise avec un repas comportant des corps gras, le soir de préférence. Pour le magnésium, il convient de choisir une forme bien assimilée. À ce titre, le magnésium marin n’est pas le plus indiqué, de même que celui contenu dans les eaux minérales de type Hépar. Tous deux sont plutôt laxatifs, et sont éliminés rapidement dans les selles. Mieux vaut opter pour un sel de type bisglycinate de magnésium, non tamponné. Bon à savoir : la prise de magnésium permet à la vitamine D de rester plus longtemps active dans les cellules.
Si les premiers compléments alimentaires sont apparus sur le marché il y a une cinquantaine d’années, les connaissances biologiques et biochimiques ont beaucoup évolué depuis les premières formulations. « Ces cinq dernières années ont vu l’apparition de produits de plus en plus qualitatifs avec le développement de sels mieux assimilés comme le picolinate de zinc, ou l’adjonction de cofacteurs d’assimilation, comme les polyphénols pour la vitamine C ou le bêtacarotène. Attention en revanche aux formules multiples qui intègrent du fer, car ce métal pro-oxydant inhibe l’absorption de nombreux micronutriments, dont le zinc, le magnésium, le calcium et la vitamine E », précise Raphaël Gruman. Si vous devez vous complémenter en fer, veillez à le prendre à distance d’un autre complément. À l’inverse, la prise concomitante de zinc, de sélénium et de vitamine C s’avère intéressante, car ces trois substances travaillent en synergie et aident notamment à booster l’immunité.
Se supplémenter est un geste de santé qui, selon notre profil, peut tout à fait entrer dans nos habitudes. Mais ne perdons pas de vue que nous sommes tous uniques et que bon nombre de paramètres personnels sont à prendre en compte pour rendre la supplémentation efficace. La consultation d’un professionnel de santé formé à la nutrithérapie pourra soutenir votre démarche. Et à tout le moins, restons prudents quant aux supplémentations à l’aveugle, qui peuvent exposer à des surdosages ou autres interactions pas forcément bénéfiques.
Pépite végétale : l’ortie
Trop souvent considérée à tort comme une mauvaise herbe, l’ortie est un concentré de protéines (30 % de sa masse sèche, apportant tous les acides aminés essentiels), minéraux et oligoéléments (20 % de sa masse sèche), et vitamines. Vous y trouverez du fer, calcium, magnésium, silice, zinc, sélénium, cuivre, sodium et potassium ainsi que des vitamines du groupe B, de la vitamine C (7 fois plus que les agrumes) et E ainsi que du bêtacarotène. L’idéal est de consommer les feuilles d’ortie fraîches, juste après les avoir cueillies, sous forme de pesto ou de soupe presque crue, afin de préserver cette richesse en nutriments. Vous pouvez aussi les prendre en tisane. Vous bénéficierez alors de leurs vertus dépuratives, reminéralisantes et alcalinisantes.
Misez sur les aliments lactofermentés
Contrairement à la pasteurisation qui appauvrit les aliments, la lactofermentation est une méthode de conservation qui augmente leur teneur en vitamines et minéraux (vitamine C, vitamines du groupe B…). Les micro-organismes qu’ils renferment viennent nourrir notre microbiote de façon plus efficace que les probiotiques en gélules. Plus notre microbiote est performant, mieux on assimile les vitamines et minéraux. Un double effet gagnant !