Dossier
Cultiver un rapport sensible au végétal (3/15)
Communication, plaisir et même attachement… De plus en plus de personnes envisagent de se rapprocher des plantes, des arbres en impliquant leur sensibilité, leur affect, leurs émotions. Rencontre avec ces paysans, herboristes, écologues, thérapeutes… qui, tout en développant une alliance profonde avec le vivant, ouvrent de nouvelles voies de connaissance.
© Daniel Sax YOOL
Catherine Segretain : La biodynamie, une agriculture énergétique
L’agriculture en biodynamie pratiquée dans le Puy-de-Dôme par Catherine Segretain et son mari est axée sur une approche sensible pour soutenir la vitalité des végétaux.
C’était il y a 30 ans. Un flyer proposant une formation sur le lien entre les plantes, le cosmos, la santé… Catherine Segretain s’informe sur cette approche aux antipodes de son cursus d’ingénieur agronome : " La manière académique de chosifier le vivant en agriculture m’avait laissée insatisfaite. " Dans cette formation d’agroécologie et biodynamie, où elle côtoie des enseignants inspirants comme Pierre Rabhi et Claude Bourguigon, elle découvre qu’il est possible d’allier gestes techniques et dimension énergétique pour cultiver. " Ce fut très libérateur de ne pas avoir à choisir entre le...
rationnel et le sensible ", souligne Catherine, qui se souvient d’un professeur marquant, chercheur en biochimie et féru d’alchimie et de philosophie. Ce changement de paradigme l’amène à poser un autre regard sur sa pratique de paysanne herboriste et sur les plantes, " des organismes vivants en lien avec le cosmos et la présence humaine ". Au lieu de chercher par exemple une solution rapide lorsqu’une plante est malade, elle prend le temps de la rencontrer au niveau subtil : " J’essaie de me mettre à sa place, de comprendre en profondeur ses besoins et s’il faut intervenir ou non. " Catherine cherche ses mots pour définir cet espace énergétique, plus vécu que mental. Le souvenir d’une expérience avec son maître de stage lui revient… " Il m’a dit : “Tu vois cette plante, il y a ses feuilles, son corps physique… mais si tu l’approches doucement avec l’intérieur de ta main, tu vas sentir une couche autour de la plante, un corps plus subtil” ". Elle a senti à ce moment-là une ouverture, un élargissement interne dans son corps devenu " outil de perception que l’on peut travailler, comme le violon ". À partir du moment où elle s’est " autorisée " à prendre en compte cette rencontre énergétique, sa vision de son métier s’est transformée : " Cela influence ma manière de semer, cueillir, récolter car je suis persuadée que la plante reçoit mes intentions ". Elle ne se sent pas " perchée " pour autant… Avec une entreprise à faire tourner, elle assume d’être à la fois pragmatique et en lien avec le cosmos. " En tant qu’agricultrice, je suis obligée de regarder ce qui fonctionne ou non. Et je vois bien, après 30 ans d’expérience, les bénéfices de cette approche sur la qualité aromatique et médicinale de nos plantes. "
Catherine et Vincent Segretain sont paysans-herboristes à Charbonnières-les-Vieilles (63)